C’est probablement le film de la semaine mais aussi l’un des chefs d’œuvre de l’année. Amour, réalisé par Michael Haneke (Funny Games, Le ruban blanc), a le mérite de ne pas laisser son spectateur indemne. Nous sommes sortis de la salle avec une impression étrange. Entre fascination et énervement, le long métrage a brassé en nous de nombreuses sensations qui resteront longtemps après le visionnage.
Georges et Anne forment un couple soudé et vivent une vie de retraités paisible. Lorsqu’Anne tombe malade, c’est le début d’une descente aux enfers. Mais jusqu’au bout, les amoureux resteront soudés et prévenants l’un pour l’autre.
D’un côté, nous avons adoré Amour. Non seulement parce que c’est sans aucun doute l’une des plus belles définitions cinématographiques du terme mais également parce qu’il aborde une part de la vie de couple à laquelle nous ne pensons pas forcément et qui est sûrement celle qui a été la moins abordée dans le septième art. Dans un autre registre, on se souvient du sublime La maison du lac, dans lequel Henry Fonda (La poursuite infernale) et Katharine Hepburn (Indiscrétions) formaient un duo inoubliable. On pense également à La Rose et la flèche où Sean Connery (The Rock) incarnait un Robin des Bois vieillissant qui tentait de reconquérir le cœur de Marianne interprétée par Audrey Hepburn (Diamants sur canapé). Mais globalement, ces films n’ont strictement rien à voir avec Amour.
Ici, Michael Haneke nous plonge dans un huis clos qui prend aux tripes dans lequel il suffit d’un regard ou de quelques mots de Jean Louis Trintignant (Z) et d’Emmanuelle Riva (Hiroshima mon amour) pour nous faire chavirer. A la fois simple et totalement maîtrisé, Amour parvient à secouer son spectateur mais également à l’émerveiller. Ici, pas d’artifices, pas de musique larmoyante pour vous émouvoir mais simplement la beauté des gestes et des paroles. Les voir dérailler, se déchirer et se refermer sur eux-même met profondément mal à l’aise et en cela le long métrage comporte la brutalité et la violence qui caractérisent les œuvres d’Haneke.
La souffrance des protagonistes, le spectateur la ressent et tente parfois d’y échapper mais il ne peut pas. En cela, le travail du metteur en scène est prodigieux car il réussit à instaurer une ambiance oppressante et déprimante dès les premières minutes qui ne baissera jamais d’intensité. Evidemment, voir le regard pétillant de Trintignant en train de raconter une anecdote à sa compagne souriante et à l’écoute se révèle être d’une douceur rassurante et jusqu’au bout ces quelques moments légers seront présents et forcément de plus en plus émouvants.
D’un autre côté, le spectateur rêveur qui sommeille en nous tous gardera forcément un mauvais souvenir du film. Celui qui va au cinéma pour s’échapper, alimenter son imaginaire et trouver de nouveaux questionnements, celui qui tente de contourner la réalité grâce aux longs métrages, celui qui ne veut pas retrouver la vie quotidienne et ses difficultés en allant dans les salles obscures a forcément lutté devant Amour. Malgré la longue durée du film, il ne peut s’empêcher de se dire qu’Haneke est un génie car il aura réussi à le provoquer, à le mettre face à une finalité logique que chacun de nous appréhende. Il ne peut que respecter son travail et le saluer car malgré ce goût amer, il doit reconnaître qu’il est parfois bon d’être rappelé à l’ordre et mis face à ses démons, et le faire avec l’art est un exercice périlleux mais nécessaire.
Amour est rude, lent, parfois ennuyeux mais cela reste un travail magnifique. C’est probablement l’œuvre romantique de 2012 car malgré toute cette noirceur la tendresse y occupe une place capitale. C’est à voir pour se faire son opinion et pour tenter de répondre aux interrogations que vous aurez en sortant de la projection, même s’il est encore trop tôt pour trouver les réponses.