Il est rare que les stars effectuent des actions « tue-l’amour » dans leurs films. Dans la vraie vie, on sait que Julia Roberts refuse de s’épiler les aisselles pour être en communion avec la nature. Dans le passé, on a également appris que Snoop Dogg aimait faire des tresses avec ses poils pubiens. Chacun fait ce qu’il veut de son corps. Mais qui aurait pensé qu’un jour, l’une des femmes les plus appréciées au monde, l’une des figures importantes du 20ème siècle à la fois pour des raisons artistiques et politiques, l’icône intergénérationnelle, laisserait échapper un filet de bave dans l’un de ses longs métrages ?
Eh oui, Marilyn Monroe se laisse aller dans Arrêt d’autobus, œuvre sympathique mais mineure dans la carrière de la comédienne. Durant l’une des dernières séquences dans laquelle elle se réconcilie avec l’insupportable Don Murray, mauvais comme un cochon, la star, perdue dans ses pensées et ses émotions, laisse s’enfuir de sa bouche un surplus de salive qui s’étirera sur une longueur d’environ quinze centimètres, de sa lèvre supérieure jusqu’à son bras gauche. C’est un redressement de tête qui la trahit. En passant du désespoir à la joie, Marilyn fait également passer le spectateur de la fascination à la stupéfaction.
En effet, on se demande à cet instant précis du film si le réalisateur, ne supportant pas la comédienne, a décidé de garder la prise pour sa vengeance personnelle. Ou alors, c’est peut être la restauration exemplaire de l’œuvre qui a fait ressortir ce léger incident technique. Puis, on préfère se pencher sur l’affirmation suivante : tout cela est volontaire, Monroe a voulu nous prouver qu’elle pouvait s’impliquer corps et âme dans son rôle et mettre de côté son image personnelle. Un mythe ne se brise pas aussi facilement et ce minuscule postillon n’est rien en comparaison avec les crottes de nez d’Angelina Jolie dans Salt, effacées par ordinateur et désormais invisibles sur tous les DVD et Blu Ray en vente.
En ce qui concerne le film, il est agréable mais souffre malheureusement du syndrome « Ricky Nelson ». Cette épidémie cinématographique tient son nom du chanteur qui en 1959, a réussi à gangrener par son jeu ce chef d’œuvre éblouissant qu’est Rio Bravo. Un an plus tard, Horst Buchholz refaisait le coup dans Les sept mercenaires. Arrêt d’autobus est certes sorti quatre ans avant, mais Don Murray n’a même pas eu le mérite de donner son nom à cette maladie du septième art tant son interprétation d’un bouseux lourdingue qui sort pour la première fois de sa campagne pour participer à un rodéo est ridicule. Pour les inconditionnels de Monroe, on n’est pas au niveau de la Rivière sans retour, de Sept ans de réflexion ou de Certains l’aiment chaud, mais l’humour et la bonne humeur sont de la partie. La diva a même l’occasion de pousser la chansonnette.
Si vous n’êtes pas convaincus par Arrêt d’autobus et les talents dramatiques de son actrice principale qui n’hésite pas à remettre en jeu son intégrité et son statut de sex-symbol le temps d’une scène, penchez vous plutôt sur le huis clos Troublez moi ce soir, dans lequel elle incarne une psychopathe fascinée par le grand Richard Widmark (Le port de la drogue).