Cette année, Ryan Gosling est devenu un sex-symbol et une superstar pour le grand public du monde entier grâce à trois films : Drive, Les marches du pouvoir et Crazy Stupid Love. On a tendance à oublier qu’il a également joué dans un film sorti cette année en France, malheureusement passé inaperçu en salles lors de sa sortie juste après la consécration de Drive au Festival de Cannes, le très beau Blue Valentine.
Prêt en 2008, distribué en 2010 chez les américains après de nombreux soucis, dont la mort d’Heath Ledger (The Dark Knight), compagnon à l’époque de Michelle Williams, l’œuvre de Derek Cianfrance est aujourd’hui au chaud dans les bacs et il serait vraiment dommage de passer à côté. Tout d’abord parce que l’on y voit Gosling dans ce qui est probablement l’un de ses meilleurs rôles, mais aussi parce que c’est l’un des plus beaux drames romantiques de ces dernières années.
Prenant place dans une Amérique rurale, on y voit un couple fatigué, lassé, se déconstruire malgré leurs efforts pour élever leur fille de la meilleure manière possible et pour redonner une quelconque intensité à leur amour. En nous immergeant dans une famille populaire, Cianfrance marque déjà un gros point puisque l’on évite tous les clichés obligatoires des comédies romantiques. Non, l’homme n’est pas chef marketing d’une super marque ou d’un magazine tendance, et la jeune femme n’essaye pas de se concentrer sur son travail dans son joli tailleur en se disant que sa carrière, c’est vraiment le plus important. Ici, la calvitie arrive, on prend du poids avec l’âge, on s’enlaidit, on vieillit. Parallèlement, on suit quelques années auparavant le coup de foudre de ces deux individus, leur relation solide durant les premiers mois, qui s’avère plutôt rassurante pour l’avenir. L’alternance entre le passé et le présent est très réussie et rend l’œuvre encore plus bouleversante tant la sincérité entre les deux personnages est grande et les intentions sont bonnes. Hélas, le temps passe, le manque de communication et l’agacement s’installent. Tel le feu d’artifice qui marque la dernière scène, le couple se forge à grande vitesse, explose de joie et de bonheur avant de s’éparpiller dans tous les coins, brisé.
En filmant majoritairement en gros plans, caméra à l’épaule, ses deux acteurs, Cianfrance nous immerge au plus près d’eux, rend compte de leur malaise mais aussi de leurs moments d’euphorie. Sans scènes larmoyantes, se voulant honnête et réaliste, il signe un drame vraiment poignant, d’autant plus que le spectateur sait que rien de tout ça n’est exceptionnel mais véridique. Pas de belle histoire magnifique comme dans N’oublie jamais, également avec Gosling, saupoudrée d’une mise en scène appuyant sur les émotions mais une réalité déchirante. En demandant à ses acteurs d’improviser, il leur a permis de faire une prestation dont on se souviendra longtemps. Michelle Williams n’a pas encore eu son Oscar, mais on espère de tout cœur que Meryl Streep lui laissera un peu de place cette année pour repartir avec le trophée pour son interprétation de Marilyn. C’est elle, la meilleure actrice de sa génération.
Cianfrance a rédigé 57 versions du scénario. On ne doute pas qu’il ait gardé la meilleure. C’est un réalisateur à suivre et on lui souhaite de retrouver le même niveau dans le futur car il a probablement signé l’œuvre de sa vie. Un très, très gros coup de cœur.