Tout commence avec un Tom Hanks transformé en vieillard qui, dans un anglais approximatif, débute un récit apparemment passionnant et riche en surprises. Si l’on cherche un sens exact à son propos, nous sommes d’emblée perdus et l’on comprend que la rationalité n’est pas le maître mot de Cloud Atlas.
Nous entrons dans un voyage initiatique dans lequel le rêve et l’imagination occupent une place importante. Le nouveau long métrage des Wachowski et Tom Tykwer n’est pas réservé aux cyniques et aux terre-à-terre tant il propose une échappatoire à tout formatage pleine de sincérité à travers ses six histoires inégales mais qui ont toutes leurs qualités.
Adapter le roman de David Mitchell relève à la fois de l’idée de génie et du suicide. De l’idée de génie car le potentiel visuel qu’offre le matériau de base est immense et que des cadors comme les Wachowski (Matrix) et Tykwer (L’enquête) ont largement les capacités pour le retranscrire à l’écran. Du suicide car enchaîner entre ces six histoires qui sont toutes très complexes et qui pourraient faire chacune l’objet d’un long métrage est un défi que peu de réalisateurs auraient su relever.
D’ailleurs, les trois artistes se sont cassés les dents sur le projet à toutes les étapes de sa création. Et pour couronner le tout, la promotion marketing quasiment inexistante n’a pas permis à Cloud Atlas de rencontrer le succès qu’il méritait.
Il est clair que l’œuvre n’est pas parfaite, que le spectateur n’est pas touché de la même manière par les différents récits et qu’il perd parfois le fil dans cet enchaînement qui, s’il n’est pas bordélique, demande une attention particulière.
En revanche, là où Cloud Atlas touche à la perfection, c’est dans sa capacité à intégrer un détail apparemment insignifiant dans une intrigue générale qui repousse toutes les limites des films choral réalisés jusqu’à aujourd’hui. Les Wachowski et Tykwer font brillamment le lien entre tous ces personnages qui, grâce à leurs actes de bonté ou de cruauté vont changer le monde, l’améliorer ou accélérer sa destruction. On n’a pas le souvenir d’avoir vu le principe de l’effet papillon aussi bien représenté au cinéma. Là où les réalisateurs réussissent doublement, c’est qu’ils n’ont pas besoin de longs passages explicatifs pour montrer les conséquences des agissements de tous ces individus. Leur mise en scène parvient à être évocatrice sans jamais perdre en subtilité.
Visuellement, on pourrait faire quelques reproches à certains maquillages ou costumes que certains spectateurs ont trouvé ridicules mais au niveau de la technique, c’est un sans faute. On pense à l’univers futuriste du Néo Séoul ou d’une Terre devenue quasiment déserte et l’on ne peut qu’être ébahis devant la beauté des paysages ou la maitrise des scènes d’action.
Cloud Atlas aborde des thèmes chers à l’être humain. L’amour est prédominant mais jamais nous n’avons eu le sentiment que l’œuvre basculait dans la niaiserie. S’il s’efforce de montrer la bienveillance des hommes, Cloud Atlas évoque également leur part sombre grâce à des protagonistes interprétés par Hugh Weaving (V pour Vendetta) ou Hugh Grant (Love Actually). D’autres acteurs comme Jim Sturgess (Un jour) ou Doona Bae (The Host) sont des symboles de résistance et d’entraide face à des sociétés sclérosées. Enfin, Tom Hanks (Forrest Gump) et Halle Berry (X-Men), qui vivent une histoire d’amour traversant les époques, incarnent des personnages contradictoires en fonction des récits, tantôt neutres et sensibles, tantôt violents et traitres.
Cloud Atlas est une symphonie sublime qui, si elle ne peut pas prendre aux tripes son spectateur avec tous ses parcours, fait néanmoins écho en lui un long moment après le visionnage grâce à son message amené sans naïveté. Si le moindre de nos gestes peut avoir des répercussions inattendues, alors celui que les Wachowski et Tykwer viennent de faire avec Cloud Atlas marquera un chapitre important dans l’Histoire du Cinéma.