Critique : American Bluff – Rien que pour leurs cheveux

Affiche d'American Bluff de David O'Russell sur laquelle nous voyons tous les personnages principaux alignés.

Moins d’un mois après Les brasiers de la colère, Christian Bale est de retour dans la nouvelle pépite de David O. Russell, réalisateur qui a effectué un comeback fracassant avec Fighter et Happiness Therapy. Une nouvelle fois métamorphosé, le comédien y interprète un escroc minable, gras du bide et chauve. Et pourtant, Bale y a toujours la classe, à l’instar de ses partenaires, réunis dans une œuvre brillante qui rappelle beaucoup l’immense Casino de Martin Scorsese.

O. Russell nous embarque dans l’Amérique des 70’s. Le pays est heurté par la Guerre du Viêtnam et le scandale du Watergate. Si le moral de la population est loin d’être au plus haut, certains ont compris comment profiter du système d’une manière peu recommandable. C’est le cas d’Irving Rosenfeld et Sydney Prosser, un couple d’escrocs. Lorsque l’agent du FBI Richie DiMaso les arrête, les deux complices vont être obligés de collaborer avec lui afin de faire tomber des politiciens véreux.

Ce qui nous a beaucoup plu dans American Bluff, c’est le choix du cadre dans lequel évoluent les protagonistes, des individus bercés par l’American Dream qui vivent néanmoins dans une sale époque pour les Etats Unis. O. Russell amène des réflexions politiques brillamment dans les conversations savoureuses qui tiennent une place capitale dans le long métrage.

Au final, si cette histoire d’arnaque n’est pas spécialement originale et que les péripéties n’ont rien d’extraordinaire, ces éléments passent au second plan tant nous sommes happés par les rapports entre tous ces personnages complexes, des menteurs sympathiques qui tentent seulement d’assouvir leurs ambitions et leur soif de pouvoir.

Photo de Jeremy Renner, Bradley Cooper, Amy Adams et Christian Bale dans le film American Bluff. Les trois derniers comédiens sont assis dans un luxueux canapé face à Renner. Un buffet est servi sur une table entre eux.

Si Bradley Cooper sera probablement l’un des plus majestueux imbéciles de l’année cinématographique 2014, Christian Bale possède cette sincérité et cette prévoyance qui le rendent touchants. Amy Adams est parfaite en femme fatale et détient le rôle le plus ambigüe du film. La plus grosse surprise vient de Jennifer Lawrence, comparable à la Ginger de Casino, une tarée dépressive et manipulatrice venue faire capoter le plan parfait qui reste pourtant profondément attachante.

C’est l’amour d’O. Russell pour ses protagonistes qui fait d’American Bluff un film génial et passionnant. Comme dans Casino, nous retrouvons les voix off de plusieurs personnages, un sens du montage impressionnant qui dynamise des séquences apparemment anodines et des trahisons entre individus qui sont, à l’inverse de ceux interprétés par Sharon Stone et Joe Pesci, plus bêtes que méchants.

O. Russell assume totalement ses influences et s’il n’arrive pas toujours à s’en détacher (c’est bien le seul reproche que l’on pourrait lui faire), ses hommages témoignent de la sincérité de son entreprise. Celui que l’on considérait comme le bad-boy d’Hollywood s’affirme comme l’un des cinéastes les plus intelligents de sa génération. En une séquence, il parvient à faire renaître un mythe et faire oublier toutes les erreurs de carrière d’un acteur venu faire un caméo mémorable qui nous laisse la larme à l’œil. Le cinéaste n’invente rien mais ressuscite un cinéma qui sait à la fois être populaire et réfléchi, qui allie les intrigues farfelues de certains classiques (Charade) et des idées de mise en scène dignes de certains maîtres du Nouvel Hollywood.

American Bluff est loin d’être le film superficiel et déjà-vu dont ont parlé certains critiques. Cette oeuvre riche prouve qu’O. Russell est un auteur accompli et un fabuleux directeur d’acteurs. Foncez voir cette perle de l’un des réalisateurs les plus talentueux du moment.

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