Depuis quelques années, Rowan Joffé a fait ses armes en tant que scénariste pour des films très réussis (The American, 28 semaines plus tard). Après son premier long métrage, Brighton Rock, le fils de Roland Joffé (Mission) est de retour avec un polar très intrigant porté par un superbe casting.
Dans Avant d’aller dormir, Nicole Kidman incarne une quarantenaire amnésique qui se réveille chaque matin dans la peau de la jeune femme qu’elle était à 20 ans. Chaque jour, son mari interprété par Colin Firth tente de raviver en elle des souvenirs de leur ancienne vie. Mais Christine ne parvient malheureusement pas à échapper à cette terrible malédiction. Lorsqu’elle reçoit un appel d’un docteur qui prétend l’appeler quotidiennement depuis quelques semaines pour l’aider, Christine se met à douter. A quoi correspondent les violentes bribes qui lui reviennent ? Est-elle réellement en sécurité ?
Avec la grisaille des paysages anglais et de la demeure de Christine, Rowan Joffé nous immerge parfaitement dans la vie terne de l’héroïne dès les premières minutes. Sa sensation d’enfermement est mise en avant et le fait de ne pas donner de repères temporels dans le récit contribue à nous faire ressentir le flou dans lequel elle vit. Nous entrons dans sa vie en imaginant qu’il s’agit d’un jour comme un autre en pensant que cette déprimante routine est en place depuis de nombreuses années. A travers la mise en scène et la photographie, Joffé réussit à dépeindre la tristesse de cette femme qui ne se connaît pas et n’a pas d’identité.
C’est lorsqu’elle commence a enquêter que les choses se gâtent. Quand elle est en plein doute, Nicole Kidman nous ressort les mêmes expressions que dans Les Autres et Birth, à savoir une mine déconfite qui finit par nous fatiguer. Entre les nuages d’Angleterre et les mimiques pleureuses de Kidman, on se dit qu’on tient là le feel good movie de l’année. Si l’on rajoute à cela l’interprétation glaciale de Colin Firth, on comprend que l’on nage en plein bonheur.
Si l’ambiance lugubre est réussie, elle amène malheureusement sur des rebondissements prévisibles qui rendent le film banal et viennent gâcher un concept intéressant à défaut d’être original. Entre tromperies et trahisons, le long métrage ne propose rien de nouveau. Si l’on espérait découvrir un complot inimaginable contre Christine, on trouve les révélations dénuées de charme. Après avoir été séduit par l’atmosphère brillamment installée par Joffé, on attendait bien plus de la conclusion d’Avant d’aller dormir, divertissement classique et largement dispensable. On préfère également oublier la dernière scène, monument de pathos qui met mal à l’aise et rend la gentille Kidman irascible, une nouvelle fois victime d’un acharnement qui ne lui aura pas rendu le sourire et nous aura effacé le nôtre.
Dommage, car Avant d’aller dormir avait tout pour nous emballer. Joffé parvient à nous plonger dans l’intrigue avant de la détruire avec des rebondissements téléphonés. On retiendra néanmoins la performance de Mark Strong (L’irlandais), toujours aussi solide et touchant, capable de piquer la vedette aux deux pointures qui l’entourent. Quant à Joffé, on espère que le jeune cinéaste retrouvera sa hargne dans le futur, car nous sommes loin de l’intensité de ses précédents scripts.