Critique : Balade entre les tombes – Les hommes qui n’aimaient pas les femmes

Affiche du film Balade entre les tombes. Nous y voyons Liam Neeson à l'entrée d'un cimetière. Alors que la photo est noire et blanc, une mare dans le cimetière est couleur rouge sang. Neeson semble se retourner vers l'objectif, une arme à la main.

Depuis le premier Taken, Liam Neeson se fourvoie dans des œuvres sans saveur, obligé de reprendre les mêmes expressions faciales et de briser des nuques à tout bout de champ. En six ans, on en aurait presque oublié qu’il était jadis l’acteur principal de longs métrages comme Michael Collins ou La Liste de Schindler, et qu’il a tourné aux côtés de Robert de Niro (Mission) et Mickey Rourke (L’irlandais), pour ne citer qu’eux. Aujourd’hui, à force de s’auto-parodier (Battleship) et d’accepter n’importe quel actionner miteux, Liam n’est plus que l’ombre de lui-même. On attendait un vrai retour du grand gaillard, dans la peau d’un homme torturé mais jamais caricatural. Il semblerait qu’on l’ait trouvé avec Balade entre les tombes.

Attention, le film de Scott Frank (The Lookout) est loin d’être une énorme surprise mais il offre à l’acteur un rôle plus nuancé, moins enragé et évitant le comique involontaire. Neeson incarne Matt Scudder, un ancien flic reconverti en privé suite à une bavure. Engagé par un dealer dont la femme a été massacrée suite à un kidnapping, Scudder se lance à la poursuite de deux serial-killers qui mènent la vie dure aux trafiquants de drogue.

Pas d’explosion, de techniques de karaté, de lancements de grenade à l’aveuglette et de « Bonne chance… »  à l’horizon. Non, Balade entre les tombes n’est pas un sous Taken, ni même un Taken transposé dans un avion ou le métro new-yorkais ou encore un Taken victime de problèmes de mémoire. Adapté d’un roman de Lawrence Block, figure emblématique du polar contemporain, le long métrage possède une ambiance anti-spectaculaire qui lui donne tout son charme.

Photo de Liam Neeson dans le film Balade entre les tombes. L'acteur est assis à la table d'un diner et discute avec un jeune ami à lui.

Si l’on déplore le côté « Soutien aux Alcooliques anonymes » du long métrage, on est ravis de retrouver Liam Neeson dans un rôle autre que celui d’un asocial dépressif. Le comédien va même jusqu’à décrocher deux ou trois sourires et nous rappelle qu’il est capable de livrer des prestations solides, teintées de mélancolie sans pour autant donner l’impression qu’il va se foutre par la fenêtre toutes les cinq minutes. Scudder est un détective dans la lignée de Philip Marlowe, classe et discret, doté d’un sens de la repartie à toute épreuve. Scott Frank a le mérite de ne pas en faire des tonnes avec son héros et lui accorde un traitement honorable.

L’autre qualité dans la mise en scène de Frank est sa manière de filmer New York de façon inhabituelle, c’est-à-dire de ne pas faire de son œuvre une carte postale et de ne pas non plus s’immiscer uniquement dans les bas fonds les plus crades de la Grosse Pomme. Le cinéaste distille une ambiance glauque et réussit à éviter toute surenchère. On côtoie des drogués, des trafiquants et des meurtriers mais Frank reste sobre et Balade entre les tombes est une œuvre épurée et accessible. C’est d’ailleurs ce parti pris et cet amour pour les films policiers des années 90 qui lui donnent une certaine allure. Malheureusement, s’il a parfois su s’imposer en tant que scénariste (Minority Report, Hors d’atteint), Scott Frank peine à se trouver une véritable identité visuelle. Ainsi les péripéties plaisantes mais téléphonées de Balade entre les tombes et sa réalisation assez plate font qu’il se rapproche nettement plus du Collectionneur que de Seven. On regrette également le traitement des deux serial-killers qui manquent d’épaisseur et ne sont en aucun cas effrayants, surtout lorsqu’on les voit manger des Cheerios ensemble, en slip.

On retiendra donc le retour de Liam Neeson dans la peau d’un personnage sérieux et attachant, ainsi que sa relation avec un jeune vagabond débrouillard qui deviendra son acolyte. Pour le reste, on se laisse porter par ce gentil vigilante sans prétention, qui ne restera pas dans les mémoires mais remplit largement son contrat.

Ce contenu a été publié dans Critiques. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.