Le combat de gladiateurs qu’avait annoncé le sournois Lex Luthor dans la bande-annonce est désormais visible. Face-à-face entre les deux super-héros DC, Batman V Superman présente un nouveau Chevalier Noir vieillissant et brutal qui porte un long métrage impressionnant mais déroutant dans sa construction.
Personnage principal meurtri, Bruce Wayne ouvre le film en contemplant la destruction massive orchestrée par Superman et Zod dans les rues de Metropolis. Le milliardaire de Gotham voit ses amis périr dans un effondrement qui rappelle de terribles souvenirs. Fonçant dans la poussière et les ruines, Wayne semble n’avoir rien à perdre.
Plus terre-à-terre que Clark Kent, Wayne est désabusé et son alter-ego cogne dur, marque ses ennemis au fer rouge et ne les épargne jamais. Lorsqu’il pénètre dans les rêves de Batman, Snyder n’y met aucun espoir. La séquence dans le désert est l’un des plus beaux passages, révélant à la fois la détermination d’un héros qui n’a plus peur de montrer son vrai visage mais aussi toute sa vulnérabilité face à un extraterrestre érigé en symbole de paix par ses concitoyens.
La déification de Superman et les doutes de Clark Kent permettent à Snyder de soulever des thèmes déjà présents dans Watchmen. L’acte de bonté n’omet pas la violence, finit toujours par être souillé et ébranle ainsi la foi. Cette idée, Wayne l’a déjà intégré et Kent y est confronté, refusant le sacrifice de devenir le Dieu du peuple au risque de perdre ceux qu’il aime et ce qu’il est. Snyder offre à l’homme d’acier deux séquences parfaitement orchestrées pour illustrer son propos. Dans la première, Superman ressent l’adulation de personnes qu’il vient de sauver. La seconde montre le super-héros face à lui-même au sommet d’un pic, loin de toute considération humaine et ne sachant plus quel est son devoir.
Malgré ces fulgurances, Batman V Superman est souvent freiné par ses longueurs et son montage maladroit. Snyder réussit tout de même à aborder le passé de Wayne sans multiplier les flashbacks. Son évolution repose sur l’interprétation massive, au sens propre comme au figuré, de Ben Affleck mais aussi sur celle toute en retenue de Jeremy Irons, qui succède avec brio à Michael Caine dans le rôle d’Alfred. Le réalisateur bouscule Superman, bien plus vulnérable et en difficulté. Les héros ne sont jamais lisses mais leur parcours est ralenti par celui de Lex Luthor, incarné par un Jesse Eisenberg plus cabotin que jamais et dont le jeu machiavélique est totalement dénué de surprises.
Les enjeux du film étaient nombreux pour Snyder et le cinéaste convainc pleinement dans la dernière partie. Après avoir pris le temps d’installer chaque protagoniste, de développer ses tourments et ses ambitions et de laisser planer le mystère autour de Diana Prince, le cinéaste dévoile le déluge d’effets spéciaux attendu. Le spectateur y trouve une belle complémentarité de la future Ligue des Justiciers. Le souffle épique qui peinait à se manifester durant les deux premiers tiers apparaît enfin durant l’union salvatrice. Lorsque Wonder Woman débarque, les scènes d’action deviennent plus fluides, Snyder voit plus large et les précédents combats rapprochés et lourds prennent sens face à sa vitesse et son habileté.
Si l’on met de côté certaines séquences bavardes et une construction narrative qui sera sans doute étoffée dans la version Director’s Cut, Snyder tient une véritable cohérence dans son récit. Comme dans Watchmen, ce sont les angoisses et les folies vengeresses de ses personnages qui donnent à Batman V Superman ses plus beaux moments, avant leur indispensable association qui relance habilement ce blockbuster conséquent.