Critique : Blood Ties – L’héritage

Affiche de Blood Ties de Guillaume Canet. Nous voyons les deux frères interprétés par Clive Owen et Billy Crudup devant une voiture sous un pont de New York. L'affiche véhicule l'aspect années 70 du film.

Guillaume Canet s’est installé à New York pour son nouveau film, remake des Liens du sang de Jacques Maillot dans lequel il partageait l’affiche avec son pote François Cluzet. Pour écrire cette tragédie opposant un flic et son frère gangster, Canet s’est entouré de James Gray, spécialiste en la matière puisqu’on lui doit entre autres The Yards et La nuit nous appartient. Epaulé par un casting prestigieux, Canet avait toutes les cartes en main pour réussir un polar influencé par les plus grands noms du Nouvel Hollywood, Coppola, Scorsese et De Palma.

C’est à ce dernier que l’on pense lorsque l’on découvre au début du film Clive Owen sortant de prison. L’ouverture de la porte se fait et l’on pourrait voir une réplique de Pacino. Mais il n’a pas sa noirceur. Chris est un gangster charismatique et souriant. Son frère Frank n’est pas le flic cool et tenace façon Serpico. Il est froid, antipathique et paraît lâche face à son aîné.

Ce qui fait de Blood Ties une œuvre intéressante réside dans le fait que Canet ne se contente d’une simple copie de ses modèles. Il confère une épaisseur à ses protagonistes et leur donne des traits propres. Owen interprète un homme complexe, sans remords ni quelconque envie de rédemption. Il y a un attachement envers les deux héros mais aussi un rejet. Si l’on a de l’empathie pour les deux, on ne les apprécie pas pour autant.

Canet passe par des chemins obligatoires dans son long métrage. On pense à la sublime déclaration que James Caan (Le Parrain) fait à Frank. Ils sont amenés avec une certaine originalité, les dialogues ne sont pas téléphonés et l’on ressent le véritable travail d’écriture de Canet et Gray. Canet ne fait pas l’apologie des gangsters, loin de là, mais il ne rend jamais ses flics héroïques. Les deux personnages principaux sont des hommes normaux qui ont choisi un camp par nécessité mais aussi par envie.

Photo de Clive Owen et Mila Kunis dans le film Blood Ties de Guillaume Canet. L'actrice est assise sur les genoux du comédien. Ils sont à une table de repas et semblent fixer un troisième personnage.

Blood Ties est une œuvre sombre, grise et il y avait un petit moment que l’on n’avait pas autant ressenti cette ambiance poisseuse du New York des 70’s. Peut être depuis La nuit nous appartient, tragédie similaire encore plus noire mais dont la fin regorgeait d’espoir. Canet ferme son film avec une fin fataliste sans recourir aux artifices émotionnels qui pouvaient nuire aux Petits mouchoirs. Comme dans ce dernier, on sent que le cinéaste a voulu prendre son temps pour faire les choses bien. Malheureusement c’est aussi ce que l’on peut lui reprocher. Le cinéaste prend son œuvre trop à cœur, s’essouffle et perd parfois le rythme.

Le montage est maladroit et si l’on ne s’ennuie pas, on se dit que certaines séquences sont en trop. La multitude de seconds rôles ne rend pas la tâche évidente. Certains sont plus fouillés que d’autres et pas forcément ceux qui sont interprétés par les têtes d’affiche. Dominick Lombardozzi (The Wire) est par exemple brillant en ami fidèle. On retiendra également la prestation de Lily Taylor (Conjuring), l’une des gueules les plus intéressantes de sa génération qui est passée à côté de sa carrière et qui joue ici la sœur de Frank et Chris. On regrette de ne pas voir plus Mila Kunis car son personnage est intéressant mais mal exploité.

Blood Ties est un film déséquilibré, parfois long mais qui transporte, intéresse et force le respect en grande partie pour la réussite de la reconstitution. Canet vient de nous livrer une œuvre triste et désabusée qui fait la part belle à ses deux acteurs principaux. Les rois du Nouvel Hollywood auraient tort de le renier car malgré tous ses défauts, le film réussit à nous faire retrouver le goût trop rare du cinéma de gangsters de la belle époque.

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