Critique : Captives – L’enlèvement

Affiche de Captives d'Atom Egoyan. Toute blanche, nous y voyons seulement le regard inquiet de Ryan Reynolds dans son rétroviseur.

Quatre ans après le sulfureux Chloé et un an après le raté Les trois crimes de West Memphis, Atom Egoyan dévoile Captives, son nouveau thriller. Souvent comparé à Prisoners, le long métrage est une excellente surprise qui nous réconcilie avec un réalisateur qui avait fait preuve de paresse dans ses précédents films.

Pour la première fois depuis un bon moment, Egoyan choisit un cadre inhabituel et l’utilise d’une très bonne manière. Nous sommes dans l’Ontario, près des chutes du Niagara. Si le récit est étalé sur huit ans, Egoyan préfère filmer ce paysage uniquement en hiver. Le blanc immaculé des terres enneigées fait contraste avec cette sombre histoire de kidnapping et renforce le sentiment d’isolement que vivent les parents de la victime. On pense à la scène de l’enlèvement, parfaite, durant laquelle Ryan Reynolds cherche désespérément son enfant dans le vide total, où le seul bruit perceptible est celui des camions de passage.

Dans son atmosphère, Captives rappelle souvent Fargo. Si l’aspect fataliste est également un point commun entre les deux films, Captives est en revanche rarement ponctué d’humour ou d’ironie. Egoyan nous immerge dans le milieu des réseaux pédophiles et au lieu de forcer les émotions à la manière de David Schwimmer dans Trust, le cinéaste livre une analyse froide et parfois déstabilisante des rapports entre la victime et le ravisseur. C’est le premier point qui fait que Captives s’écarte de Prisoners. En ouvrant son long métrage sur le visage de l’agresseur, il enlève l’espoir du spectateur de découvrir des révélations finales surprenantes.

Photo du film Captives d'Atom Egoyan, sur laquelle nous voyons un pick up garé devant un petit magasin dans un paysage froid et complètement enneigé.

Si l’on pensait que cela allait nuire au récit, on comprend que c’est finalement ce qui fait son originalité. Ne présentant pas son histoire de manière chronologique, Egoyan préfère s’attarder sur les différents états d’esprit que traversent les personnages. C’est ce qui rend l’œuvre encore plus froide et tragique que le drame de Denis Villeneuve. Le spectateur ressent l’attente, le désespoir et les remords que vivent les parents, brillamment interprétés par Ryan Reynolds (Buried) et Mireille Enos (The Killing). Il s’attarde également sur l’état psychologique d’une jeune fille désabusée, qui entretient des rapports ambigus avec son kidnappeur et se révèle jusqu’à la conclusion sur le fil du rasoir, partagée entre l’envie de s’échapper et la résignation face à une organisation criminelle méthodique.

Il dévoile en parallèle l’enquête des policiers, qui nous permet de mieux saisir la complexité de traquer ces criminels totalement intégrés dans la vie sociale. Sans faire dans le cinéma direct, Egoyan montre la difficulté à coincer et repérer des psychopathes qui prennent les enquêtes pour un jeu du chat et de la souris. On retiendra la séquence du gala, durant laquelle l’enquêtrice jouée par Rosario Dawson (Trance) converse sans s’en rendre compte avec le kidnappeur, dont le regard rieur traduit parfaitement la perversité d’une situation dont il se délecte.

Puis, Egoyan installe dans la dernière partie un suspense qui fonctionne et met en avant un Ryan Reynolds que l’on voit rarement aussi juste et convaincant. S’il ne marquera probablement pas les esprits, Captives se distingue néanmoins par son cadre glacial, sa conclusion grinçante et sa construction décousue dans laquelle on ne se perd jamais.

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1 réponse à Critique : Captives – L’enlèvement

  1. Hubert Bonisseur de la Bath dit :

    Effectivement, bonne surprise !
    Ce qui m’a bluffé, c’est la narration non-chronologique, avec flashbacks et flashforwards constants. Pourtant on se perd jamais !

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