Pour sa quatrième réalisation, Roschdy Zem nous immerge dans le Paris du XIXème siècle. Lorsque les héros Chocolat et Footit découvrent la ville après avoir quitté une troupe de cirque itinérante, le spectateur est aussi impressionné qu’eux par le rayonnement du Grand Palais et les petites rues marchandes. La capitale semble accueillir à bras ouverts deux artistes que l’avenir n’a pas eu de mal à oublier.
Après la rencontre et la formation du duo de clowns qui rencontra un succès immédiat viendront la gloire et la déchéance. N’hésitant pas à prendre de la distance avec la réalité historique, Chocolat est le portrait complet d’un homme et son alter-ego. Le talent de Roschdy Zem réside dans sa capacité à montrer le spectacle et l’envers du décor, généralement bien plus passionnant que ce que le public voit sur scène, à l’image de la courte collaboration entre le duo et les frères Lumière. Ensemble, Footit et Chocolat vont devenir des vedettes et iront jusqu’à signer des contrats publicitaires. Alors que Footit préfèrera se faire discret et continuera à travailler coûte que coûte sur ses numéros, Chocolat découvrira au risque de se perdre la fête, l’argent, le jeu et l’alcool.
Le récit est une leçon de vie pleine d’abnégation, de malheurs dépassés et d’opportunités manquées. Tendre, le film ne l’est que très peu et la douceur se trouve surtout dans la complicité, la tolérance et la fidélité qui émanent du duo. Footit accepte Chocolat à une époque coloniale. Ce dernier ne cessera de subir les brimades sur scène mais également celles des autorités et de ses connaissances. Dans la deuxième partie, Footit est quelque peu mis de côté et le ton change, comme pour signifier l’abandon de Chocolat à ses plaisirs mais aussi sa volonté de devenir le premier comédien noir dans le paysage du théâtre français. Pour se sentir libre, Chocolat s’enivre et vivra une douloureuse descente malgré l’amour qu’il éprouve pour Marie, une infirmière qui l’accompagnera toute sa vie.
Roschdy Zem soutient constamment le rythme de son film. Comme un numéro de cirque, Chocolat ne cesse de rebondir et les péripéties s’enchaînent afin de souligner la vitesse du succès et son aspect éphémère.
A chaque séquence, le spectateur ressent le travail accompli sur les décors, les costumes et les répétitions des brillants Omar Sy et James Thierrée sur leurs numéros parfaitement maîtrisés. Chocolat est un film dense et intéressant qui soulève un problème historique capital à travers le parcours d’un artiste qui aura disparu avec le temps. S’il n’est pas à l’origine du projet, on sent tout l’investissement de Roschdy Zem sur le long métrage. Raconté de manière chronologique, Chocolat ne surprend malheureusement pas dans la construction de son récit. La linéarité étouffe la puissance des séquences fortes, à l’image de la visite de Chocolat à l’exposition coloniale ou la confrontation entre le clown et Footit qui provoquera leur éloignement. Les chorégraphies sont efficaces mais l’on ne ressent pas le poids du public sur leurs performances et l’ampleur des salles dans lesquelles les artistes jouent.
Malgré les interprétations sincères d’Omar Sy, James Thierrée et Clothilde Hesme ainsi que l’ellipse finale qui renforce la dureté du parcours des deux artistes, l’émotion ne décolle pas. Nous aurions dû ressentir la mélancolie de la conclusion et l’impact de l’isolement sur Chocolat. Nous n’en garderons qu’un souvenir amer car les sentiments exacerbés des personnages ne sont jamais captés avec l’intensité nécessaire dans la mise en scène. S’il n’apporte aucune nouveauté dans le traitement de son récit et dans la réalisation, Chocolat n’en demeure pas moins un long métrage prenant, qui réussit à dépeindre le poids des ambitions d’un homme dans une société qui le méprise et la difficulté voire l’impossibilité à vivre heureux dans un tel contexte.