La semaine dernière sortait le phénomène Lucy et le polar hard-boiled Colt 45. Si le premier est diffusé dans plus de 900 salles malgré ses incohérences et ses références mal digérées, le second connaît une exploitation mineure qui prouve une nouvelle fois qu’il y a un véritable problème de distribution en France.
Fabrice Du Welz, réalisateur de Calvaire et Vinyan, nous présente Vincent Milès, un jeune instructeur de la Police Nationale reconnu par ses pairs pour ses talents en tir de combat. Refusant de travailler sur le terrain, Milès va s’y retrouver malgré lui à cause d’un concours de circonstances qui va bousculer ses idéaux et le plonger dans une violence dont il ne réchappera pas.
Colt 45 est probablement l’une des plus belles surprises françaises de l’année. Si Fred Cavayé nous avait divertis avec Mea Culpa, qui suivait le même cheminement narratif que ses deux premiers films, nous n’avions pas vu en 2014 une œuvre aussi brutale, intense et surtout couillue. Du Welz dépeint une violence urbaine comme très peu ont su le faire ces dernières années. Cette noirceur et cette volonté de proposer un programme sans concession, on ne les avait trouvées que dans la série Braquo. Mais à l’inverse de cette dernière, Colt 45 n’est pas là pour faire tenir ses enjeux dramatiques sur la durée et pour nous attacher à ses personnages.
Le long métrage ne laisse aucun répit au public et malgré ses dernières minutes prévisibles, il ne l’emmène jamais là où il l’attend. Lorsqu’on regarde Colt 45, on pense évidemment à Police Fédéral Los Angeles, référence en la matière, mais aussi au génial Guet-Apens de Sam Peckinpah ainsi qu’aux œuvres qui ont fait la réputation de John Woo (Le syndicat du crime, A toute épreuve). Epaulé par un casting prestigieux, Du Welz parvient à nous présenter chaque membre de l’intrigue en une scène ou deux, à créer des liens forts entre eux et le personnage principal pour ensuite nous envoyer un uppercut en brisant toutes nos espérances de spectateur habitué aux films d’action calibrés.
En prenant le point de vue du héros interprété par le talentueux Ymanol Perset (Engrenages), il nous fait vivre son shoot d’adrénaline et sa chute. Comme lui, les idées que nous nous faisions sur certains protagonistes sont démolies. La tension est palpable dans chaque situation et les événements les plus marquants du long métrage arrivent sans prévenir. C’est d’ailleurs tout le contraire du cinéma de Luc Besson, obligé d’annoncer un moment spectaculaire avec un air d’opéra et des plans au ralenti déjà vus mille fois. Grâce à sa mise en scène réaliste et sa manière de traiter la violence frontalement sans qu’elle soit excessive (encore une fois, c’est l’inverse de Besson), Du Welz nous secoue et nous immerge dans un environnement sale et poisseux, où les flics doivent autant faire face à leurs ennemis qu’aux décisions politiques de leurs supérieurs.
Bénéficiant de la présence d’un Gérard Lanvin extrêmement sobre, d’un Joeystarr flippant ainsi que de gueules habituées du genre (Simon Abkarian, Jo Prestia), Colt 45 est encore une preuve qu’il est nécessaire de laisser leur chance aux réalisateurs français qui n’ont pas peur d’appuyer là où ça fait mal. On espère que le film connaîtra une seconde vie lors de sa sortie en DVD et VOD et qu’il ne se fera pas évincer par les comédies hexagonales épuisantes et les « blockbusters intelligents » qui innondent nos salles.