Deux duos s’affrontent dans Comancheria. Le premier est constitué de Tanner et Toby Howard, deux frères qui braquent coup sur coup plusieurs agences de la Texas Midlands Bank afin de régler des dettes dont cette même banque profite. Le second est formé par les Rangers Marcus Hamilton et Alberto Parker, partenaires tenaces qui ne cessent de se vanner.
Après l’excellent Les poings contre les murs, David Mackenzie revient avec un nouveau drame familial riche et profondément touchant. Le cinéaste nous emmène au plein cœur du Texas et ouvre son long métrage avec une séquence de braquages impressionnante. Les frères ont un comportement opposé, l’un aime le risque tandis que l’autre préfère agir prudemment. Dans cette introduction dynamique et brutale, Mackenzie dévoile leur sang froid et leur amateurisme mais en aucun cas leurs motivations.
Elles seront rapidement devinées par les Rangers et plus particulièrement par Hamilton, vieux briscard usé qui connaît parfaitement son Etat et ses habitants. Grâce aux séquences tournées dans des restaurants et lieux publics ou lors d’un rendez-vous à la banque, le spectateur découvre le cynisme de certains établissements, le rejet des autorités par la population et la pauvreté de certaines villes où l’activité est au point mort. Petit à petit, le spectateur comprend les deux frères, leur désespoir et leur besoin d’écarter leurs enfants du gouffre financier alors que la traque gagne en intensité.
L’amertume du Ranger interprété par un Jeff Bridges impérial se ressent en permanence. Son empathie s’exprime à travers une ironie dont son partenaire ne cesse de faire les frais. Le personnage a de nombreux points communs avec celui de Tommy Lee Jones dans le magnifique No Country for Old Men. En se réfugiant derrière son humour, Hamilton ne s’écarte jamais de sa volonté d’agir alors qu’il est pleinement conscient que cela ne lui rapportera rien.
Il est ainsi semblable aux deux frères qui ne trouvent d’autre alternative que le braquage pour mettre à l’abri leurs proches. La séquence où Chris Pine met en garde son fils est, au même titre que celles où il échange avec Ben Foster, remplie de dialogues extrêmement pertinents et représentatifs de leur lucidité. David Mackenzie nous plonge dans un désert moite où la terre semble inexploitable, les rues désertes, les commerces souvent vides et les paroles des habitants dénuées d’espoir. Grâce à la subtilité de la mise en scène, la sobriété de l’interprétation et l’utilisation jamais anodine de cadres magnifiques, le réalisateur signe une œuvre complexe qui détourne habilement les codes du film de braquage et du western.
Le spectateur attend un duel final épique et place ses espoirs dans la maîtrise apparente des frères lors des premiers braquages. Leurs émotions prennent le dessus et la conclusion amère de l’œuvre évoque à merveille les regrets des deux camps provoqués par cette épopée meurtrière. Alors que le récit est installé avec lenteur, il se termine brutalement et prend à revers les attentes du spectateur dans la fin mélancolique. Comancheria est un film de genre très réussi qui aborde les inégalités sociales d’un Etat sublimé par la lumière naturelle et le grain de l’image.