Juste derrière Joy sorti fin 2015 et Les huit salopards, Creed représente notre troisième coup de cœur de ce début d’année. Ryan Coogler, réalisateur de Fruitvale Station, garde le ton de l’excellent Rocky Balboa tout en confirmant le talent d’un comédien prêt à prendre la relève.
Après avoir côtoyé les foyers d’accueil et les centres de redressement pour mineurs, Adonis Johnson est recueilli par sa belle-mère, la veuve du champion Apollo Creed, ancien adversaire et mentor de Rocky Balboa. Souhaitant vivre de sa passion, Adonis ne voit qu’un moyen pour y arriver : être entraîné par l’élève de son père.
Comme le récent La rage au ventre, Creed suit un chemin logique et rarement surprenant. Mais, contrairement à Antoine Fuqua, Coogler parvient à faire de son personnage principal un symbole qui a totalement sa place dans un univers devenu calibré et stéréotypé au cinéma.
Adonis Johnson, que l’on peut désormais appeler Creed, a un lourd héritage à porter. Impulsif et bagarreur, le héros n’est cependant jamais dépassé par son ego. Le premier pas vers Balboa, Creed n’hésite pas à le faire et l’on retrouve dès les premières minutes la notion de respect envers ses prédécesseurs. Malgré tout ce qu’il traverse dans le film, Rocky n’est jamais présenté comme une gloire passée. Le personnage a encore beaucoup à donner et c’est grâce à Adonis qu’il sera en mesure de le faire. A l’inverse, Balboa ne prend jamais Creed pour un débutant et croit dès le début en son poulain.
La filiation et la transmission sont au cœur du film. Sans mauvaises blagues, sans cynisme, Coogler met en place une relation père-fils comme on en voit peu à l’écran qui prend tout son sens grâce à la boxe, discipline synonyme de dépassement de soi et d’entraide. Lorsque les personnages s’offrent un trait d’humour et se balancent quelques vannes, Coogler les amène toujours avec une tendresse cachée, ce qui rend Creed et Balboa extrêmement touchants. Au-delà des séquences d’entraînement et des deux combats du long métrage, c’est lorsqu’il filme le quotidien d’Adonis et de Rocky que Coogler bâtit une relation solide où la tolérance envers l’autre est toujours palpable.
A l’image d’une chanson du génial Vinnie Paz, rappeur originaire de Philadelphie et grand passionné de boxe qui doit son nom au célèbre Pazienza, Creed fait parfaitement la jointure entre l’importance du sport et plus particulièrement de la boxe, indispensable à la culture populaire américaine, et le mouvement hip-hop, lui aussi revendicateur de valeurs comme l’automotivation et la volonté de construire son propre héritage. Lorsqu’Adonis fait son dernier jogging suivi par des motos sur un air de Meek Mill, autre représentant de la cité de Balboa, Coogler signe une scène aussi puissante que celle où Rocky gravissait fièrement les marches du Philadelphia Museum of Art. Tout en rendant hommage à un mythe devenu incontournable dans l’esprit du public, Coogler crée sa propre voie et nous rappelle que chaque génération a la possibilité de construire ses icônes sans oublier les précédentes.
Impossible de parler de Creed sans évoquer les prestations de Michael B. Jordan, Sylvester Stallone et Tessa Thomson. Coogler rassemble ces trois personnages aux parcours semés d’embûches et fait d’eux une famille. La romance entre Jordan et Thomson est naturelle et bien loin des clichés habituels. Jordan transpire la rage et la colère, qu’il saura dompter grâce aux repères que deviendront Thomson et Stallone au fil du film. On a rarement vu ce dernier aussi touchant. Humblement, le comédien continue de façonner sa légende à travers un personnage qui, s’il disparaît des écrans, occupera toujours une place à part dans l’histoire du cinéma américain.