Critique : Dheepan – À vif

Poster du film Dheepan de Jacques Audiard. Nous y voyons une photo en gros plan de trois personnes en train de s'étreindre. On ne distingue que très peu le bas du visage d'une femme.

Lorsqu’il se réfugie en France pour fuir la guerre civile au Sri Lanka, Dheepan trouve un emploi de gardien dans une cité. Prétendant vivre en famille avec Yalini et Illayaal, l’ancien soldat tente de se faire discret mais les tensions grandissent lorsqu’un caïd sort de prison. Pour préserver son entourage, Dheepan va peu à peu devoir s’impliquer.

Relecture moderne du western comme l’était My Sweet Pepper Land l’an passé, Dheepan est un film de genre impressionnant. Chemin de croix d’un soldat qui cherche à faire son deuil et trouver la paix, le long métrage de Jacques Audiard est un chapitre de la vie d’un véritable héros.

Dheepan n’est pas le film social et politique auquel on pouvait s’attendre. Si l’arrivée du réfugié en France, son accueil et son intégration dans la cité sont passionnants et ont une résonance particulière, jamais ces éléments ne prennent le pas sur la nature et la trajectoire des personnages. Confrontés à un environnement étranger, Dheepan, Yalini et Illayaal vont d’abord survivre et s’intégrer pour ensuite s’émanciper. La paix que veut trouver Dheepan va peu à peu se transformer en bonheur et le changement des rapports entre les trois protagonistes principaux constitue l’une des nombreuses réussites du film.

D’abord silencieux, le dialogue va peu à peu s’instaurer au sein de la famille. Personnage introverti, Dheepan dégage une humilité et une force qui rappellent le touchant Wyatt Earp incarné par Henry Fonda dans La poursuite infernale. Comme ce dernier, il a néanmoins bien plus de nuances et est aussi animé par le désir et parfois par la colère, qui s’accentuera dans la dernière partie du film lorsque le retour d’un gangster menace tout ce que Dheepan a construit.

Photo du film Dheepan de Jacques Audiard. Le héros interprété par Antonythasan Jesuthasan se tient debout et en alerte, transpirant.

Comme les plus beaux héros de westerns, les aspirations de Dheepan ne sont pas la conquête mais l’espoir de vivre en harmonie dans un environnement auquel il a su s’adapter. Dheepan est une fiction ancrée dans un paysage que l’on filme souvent avec réalisme dans l’Hexagone. Audiard s’en détache dans une conclusion qui ne sert que l’évolution d’un personnage magnifique.

En se coupant volontairement de la réalité, Dheepan gagne en puissance. La mise en scène du dernier acte est prodigieuse. Le spectateur imagine et comprend ce qu’il se passe malgré les troubles ressentis par le héros. Dans ce basculement final, le passé du soldat ressurgit à l’image de celui de Wyatt Earp face aux Clanton et d’Harmonica face à Frank.

La technique de Dheepan est elle-aussi impeccable. De l’ouverture sur un bûcher en passant par une séquence de nuit éclairée par la luminosité des jouets jusqu’au dernier plan, le film regorge d’images marquantes toujours en accord avec l’état d’esprit des personnages.

On comprend que le jury présidé par les frères Coen, génies qui se sont essayés au western moderne, ait remis la Palme d’Or à Dheepan. Œuvre complète remplie d’espoir, portée par des comédiens et un metteur en scène en béton, le long métrage suit une trajectoire cohérente malheureusement critiquée lors de sa sortie.

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