Critique : Dirty God – Under the Skin

Affiche de Dirty God de Sacha Polak, sur lequel on découvre le visage brûlé, de face, de l'héroïne incarnée par Vicky Knight.

Défigurée à l’acide par son ex-partenaire, Jade sort de l’hôpital avec la moitié du visage brûlé. Dans la banlieue londonienne, la jeune femme tente de reprendre le cours de sa vie en attendant le procès du père de sa fille, âgée de deux ans. Malgré le regard des autres, Jade se reconstruit progressivement, décroche un emploi et recommence à croire qu’elle peut retrouver l’amour.

Abordant un phénomène tristement grandissant au Royaume-Uni, Dirty God aurait tout à fait pu tomber dans la caricature du drame misérabiliste, usant à l’excès de ses ressorts dramatiques, façon Precious. C’était sans compter sur le talent de la réalisatrice Sacha Polak et de son actrice principale, la comédienne non-professionnelle Vicky Knight. Dès l’apparition du générique, durant laquelle la cinéaste néerlandaise filme de près la peau brûlée de son héroïne, l’idée de l’acceptation de soi ressort, pour ne plus s’évaporer du long-métrage.

Photo tirée du film Dirty God, sur laquelle l'héroïne incarnée par Vicky Knight porte son bébé à un arrêt de bus.

Dirty God montre, avec pudeur et élégance, le retour au quotidien d’une jeune femme qui voit ses repères voler en éclats. L’un des aspects les plus touchants de cette thématique se trouve dans les rapports mère-fille de Jade. Alors que sa petite fille est effrayée lorsqu’elle revient chez elle et que sa mère se montre pessimiste vis-à-vis de son avenir, Jade fait tout pour maintenir un semblant d’équilibre. L’évolution du regard de son bébé, qui passe des pleurs au rire au fil du film, représente à merveille les changements qu’elle réussit à mettre en place.

L’autre élément prégnant dans Dirty God est le poids du regard des autres, et en particulier celui des jeunes de la génération de Jade. Les séquences en boîte en nuit ou au travail sont parfois éprouvantes, mais l’audace dont elle fait preuve en permanence s’avère aussi bouleversante que réconfortante, au même titre que sa patience et sa bienveillance envers sa famille. La représentation de son isolement, notamment lors du procès de son ex, les décors de briques rouges sublimés par la photographie de Ruben Impens (Alabama Monroe, Grave) et l’envie de l’héroïne d’offrir à sa fille la meilleure vie possible, rappellent parfois le chemin de croix Mads Mikkelsen dans l’excellent Pusher II.

Photo tirée du film Dirty God, sur laquelle l'héroïne incarnée par Vicky Knight marche dans une rue au Maroc, vêtue d'une robe et portant ses talons à la main. L'image est tirée d'une séquence qui se déroule après une sortie en boîte de nuit.

En faisant entrer cette luminosité et cette abnégation dans son récit, Sacha Polak permet à Dirty God de ne jamais tomber dans un cinéma de l’apitoiement. L’ultime partie du film, tournée au Maroc, renforce cette sensation. Après avoir essayé d’apprivoiser à nouveau son corps malgré les humiliations, que ce soit dans le monde réel ou virtuel, Jade semble enfin épanouie dans cette conclusion où l’émotion jaillit avec une évidence désarmante.

Cela passe par un rapport charnel ou par un court échange avec un enfant et sa mère, qui révèlent les sentiments et l’état d’esprit de l’héroïne, dont on apprécie également la réserve et la force tranquille. Malgré les quelques éclats de joie de la conclusion, Sacha Polak n’en oublie pas pour autant de rappeler que la route est encore longue pour Jade et sa famille. À l’image du récent Sibyl de Justine Triet, le long-métrage laisse le spectateur sur un moment d’apaisement anodin mais magnifique, qui procure un sentiment de sérénité quant à l’avenir d’un superbe personnage, dont la volonté paraît plus puissante que tout le reste.

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