Stephen Strange est un neurochirurgien extrêmement doué et arrogant. Après un accident de voiture, le docteur se brise les mains et ne peut plus opérer. Il rencontre alors un ancien paralysé qui a retrouvé l’usage de ses jambes après un exil dans un temple de Katmandou et décide de s’y rendre.
Le Docteur Strange est sans doute l’un des héros les plus réussis et les plus nuancés que l’on ait vu au sein du Marvel Cinematic Universe. En l’introduisant dans le monde des Avengers, le producteur Kevin Feige et le réalisateur Scott Derrickson apportent la retenue et la classe qui manquaient à certains protagonistes. Comme dans la bande dessinée, Benedict Cumberbatch nous rappelle, dans son aisance et sa nonchalance, le Vincent Price de L’homme au masque de cire.
Les rares traits d’humour qu’il s’offre font toujours mouche et son évolution est pertinente. L’attachement du spectateur arrive progressivement et l’on a enfin l’impression de voir un personnage avancer dans une œuvre dont le scénario propose une véritable fin malgré sa fonction de transition, omniprésente dans le MCU.
Le traitement du Docteur est réussi, en partie grâce à son interprète principal impliqué comme à son habitude et totalement crédible. Certains éléments auraient pu être kitschs, comme la rencontre avec la fameuse cape qui n’en fait qu’à sa tête, mais l’attitude de Benedict Cumberbatch désamorce en permanence le ridicule dans lequel le film aurait pu tomber.
Certains plans sont suffisamment iconiques pour élever un personnage bien plus énigmatique que ses futurs confrères avec lesquels il collaborera dans les prochains épisodes. Malheureusement, l’impact émotionnel qu’ils sont censés provoquer n’est jamais atteint. On apprécie le Docteur et l’on suit son parcours avec attention mais sans être réellement impliqué dans sa course contre le temps et dans la maîtrise grandissante de ses pouvoirs.
L’univers auquel est rattaché Docteur Strange est visuellement réussi et les thématiques évoquées sont passionnantes. Elles sont néanmoins abordées en surface dans un script paresseux qui sacrifie la complexité de l’Ancien, mentor très intéressant incarné par l’excellente Tilda Swinton. La dualité entre le fait d’agir selon son libre arbitre ou le bien commun, le besoin de concilier les deux et l’utilisation de l’esprit comme moteur du corps sont parcourus durant la formation du Docteur puis oubliés lors du déluge final. Il en est de même avec la maîtrise du temps, parfaitement expliquée par la mise en scène de Cameron dans la saga Terminator, qui n’est ici qu’un accessoire du héros pour vaincre ses ennemis.
Les enjeux sont énormes au départ. Ils engendrent des questionnements fédérateurs mis de côté par la suite pour mieux mettre en avant les séquences de combats où les bâtiments des mégalopoles sont malléables. Ces possibilités faisaient avancer le récit dans Inception et rendaient les architectes indispensables. Elles ne servent dans Doctor Strange qu’à faciliter les fuites ou les confrontations des scènes d’action réussies mais vaines. Alors que l’ouverture d’esprit au monde réel de Neo dans Matrix secouait le spectateur, la formation du Docteur est un trip coloré à peine psychédélique et rarement envoutant ou profond.
Doctor Strange est visuellement impressionnant, la narration est fluide mais le scénario manque réellement de surprises pour briser la distance avec le spectateur. Si l’interprétation de l’ensemble des comédiens est impeccable, on regrette que les protagonistes ne soient pas plus fouillés, que le parcours du Docteur ne soit pas plus éprouvant et que son entrée dans le mysticisme ne soit qu’une solution pour régler les problèmes d’une dimension nouvelle mais aussi sage que celles des Avengers.