On a tendance à réduire Peter Berg à un réalisateur de films d’action bourrons et sans âme. Si Battleship et Bienvenue dans la jungle sont des séries B totalement assumées et décomplexées, on retrouvait dans Le royaume et surtout Friday Night Lights un bel équilibre entre action et réflexion qui en faisait des divertissements hollywoodiens classiques mais efficaces.
Si Du sang et des larmes se rapproche plus de ces deux longs métrages, c’est parce qu’il est exempt du second degré et de l’ironie qui caractérisaient Hancock et Battleship. Peter Berg a voulu rendre hommage à un groupe de Navy Seals qui s’est retrouvé pris au piège par les talibans dans les montagnes afghanes.
Ce qui dérangera le plus les spectateurs dans Du sang et des larmes est son côté patriotique parfois poussé à l’extrême. Si Peter Berg se mesure sur la fin, la première moitié du film est une immersion totale dans le quotidien des soldats et leur état d’esprit. Leurs valeurs sont mises en avant et ils sont érigés en guerriers valeureux capables de repousser n’importe quelle limite. En cela, le film se rapproche plus des Bérets verts de John Wayne que du Voyage au bout de l’enfer de Michael Cimino. Et l’on comprend que cela puisse agacer un grand nombre de spectateurs irrités par la superpuissance et l’invincibilité de l’Oncle Sam.
Mais il faut reconnaître que Peter Berg le fait très bien. La scène d’introduction très clichée nous présente quatre héros soudés pour lesquels Berg a beaucoup d’admiration. Avec la partition de Steve Jablonsky et Explosions in the sky, nous retrouvons les thèmes mélancoliques de Friday Night Lights. Chaque personnage a sa vie de famille, l’équipe est soudée et la présentation de ce groupe reste réussie et provoque directement l’empathie.
Peter Berg n’invente rien mais il connaît bien les codes du survival et du film de guerre. Du sang et des larmes rappelle beaucoup La chute du faucon noir dans sa construction et ce gros manque d’originalité représente le deuxième gros défaut de l’œuvre. En revanche, les scènes d’action sont irréprochables et l’on pense notamment à deux séquences de chutes brutales et impressionnantes. Cela faisait longtemps que l’on avait pas eu aussi mal pour un protagoniste. Si Le territoire des loups de Joe Carnahan est devenue immédiatement une référence grâce à son point de vue désespéré et poétique, Du sang et des larmes propose lui aussi des scènes intenses et tendues dont on se souviendra un moment. Malheureusement, si la forme est très soignée, le fond manque clairement d’épaisseur.
Il en reste néanmoins une belle leçon de solidarité. La discipline des Navy Seals est très bien mise en avant, leurs tactiques et leurs prises de décision aussi. Lors d’une scène de désaccord, la personnalité de chacun ressort en quelques minutes mais l’obéissance et la loyauté reprennent vite le dessus. Le quatuor d’acteurs est irréprochable. Taylor Kitsch trouve enfin un rôle sérieux et abandonne le côté bouffon de ses prestations dans John Carter et Battleship. Emile Hirsch (Into the wild) et Ben Foster (360) sont d’une sobriété exemplaire. Quant à Mark Wahlberg, il étoffe de plus en plus son jeu et il serait temps de ne plus le réduire au rang d’action star bodybuildée. On retrouve également Eric Bana dans un rôle similaire à celui qu’il tenait dans La chute du faucon noir qui lui va comme un gant.
Du sang et des larmes ne deviendra pas une référence parce qu’il n’arrive pas à se détacher de ses modèles. Abandonnant toute la réflexion pseudo-politique du Royaume, le long métrage se concentre sur ses quatre personnages principaux et leur aventure tragique, prétexte à des scènes d’action très réussies. Un film trop classique pour marquer les esprits qui remplit cependant largement son contrat.