10 ans après l’excellent Black Book, le grand Paul Verhoeven fait son retour dans les salles obscures. Adaptation d’un roman de Philippe Dijan, Elle porte néanmoins toute l’identité d’un cinéaste qui signe un nouveau thriller pervers jubilatoire.
Victime d’une agression sexuelle à son domicile, Michèle commence à suspecter tous les hommes de son entourage. Commence entre eux et elle un étrange jeu de séduction durant lequel Michèle est prête à tout pour trouver le coupable.
La froideur d’Isabelle Huppert trouve toute sa puissance dans l’univers de Verhoeven. Le réalisateur de Basic Instinct dévoile un récit où l’on est témoin de chacune de ses réactions et de tous ses gestes quotidiens. Pourtant, à aucun moment du film nous ne pouvons anticiper ses gestes. A l’image des protagonistes masculins, il est impossible pour le spectateur de voir venir son plan.
Verhoeven dévoile son passé habilement à travers des images de reportage suffisamment évocatrices et un monologue déstabilisant que l’héroïne fait lors d’un repas de Noël. Le réalisateur répète la séquence de viol et va même jusqu’à la ridiculiser dans les songes de Michèle, dont l’envie de vengeance ne se fait vraiment sentir que lors d’une scène particulièrement violente.
Rien n’étonne ce personnage froid, calculateur et méchant pour lequel nous avons un profond attachement. Autour d’elle, tous les hommes expriment leur virilité de manière puérile et Michèle ne cesse de les narguer avant de les démolir avec une simple parole. C’est ce qui rend Elle profondément drôle et jouissif. En 2h10, Verhoeven alterne entre leurs actions ridicules et les réponses d’Huppert amenées avec subtilité dans la mise en scène. Verhoeven utilise la suggestion dans les regards de Michèle, dont les silences créent le malaise.
Comme dans ses précédentes œuvres et plus particulièrement les sommets de sa période américaine (Total Recall, Starship Troopers), Paul Verhoeven trouve l’équilibre parfait entre tension permanente et second degré subversif. Il offre à Isabelle Huppert un grand rôle un an après Valley of Love. Les personnages secondaires sont eux aussi parfaitement interprétés. Se prenant constamment au sérieux, ils sont humiliés par Michèle qui n’est jamais stupéfaite et encore moins impressionnée.
Si l’on devine rapidement l’identité du coupable, la force d’Elle est de nous demander ce qu’il adviendra lorsque Michèle lui fera face. Jusqu’au bout, elle est la seule à détenir toutes les cartes. La capacité de Verhoeven à nous tromper et le jeu d’Huppert font d’Elle le plus beau portrait d’un manipulateur que l’on ait vu au cinéma depuis longtemps.