Critique : Enemy – Identity

Affiche du film Enemy de Denis Villeneuve. Jake Gyllenhaal y contemple son double avec un regard agressif à travers une vitrine.

AVERTISSEMENT : Cet article contient des spoilers.

Quelques semaines après The Double de Richard Ayoade, adaptation de Dostoïevski dans laquelle Jesse Eisenberg excellait, c’est au tour de Denis Villeneuve de nous présenter son intrigue d’un homme confronté à son sosie parfait.

Dans Enemy, Jake Gyllenhaal interprète Adam, un modeste professeur d’histoire enfermé dans sa routine. Lorsqu’un de ses collègues lui conseille une comédie, Adam ne s’attend à trouver dans le film un acteur qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau. Troublé, l’enseignant tente de rencontrer Anthony, comédien de seconde zone sur le point d’avoir un enfant.

Comme The Double, Enemy est un long métrage déroutant à l’atmosphère lugubre. Là où le premier nous oppressait avec la société intemporelle dépeinte et son héros n’ayant que son travail et l’observation de celle qu’il aime comme occupation, le second nous étouffe avec la solitude d’Adam et les filtres jaunes qui éclairent la métropole dans laquelle il vit.

A l’instar de The Double, le protagoniste principal d’Enemy est le plus réservé et le plus instable. Jesse Eisenberg passait ses soirées à espionner Mia Wasikowska tandis que Jake Gyllenhaal couche mécaniquement avec une Mélanie Laurent absente. Leurs conversations n’existent pas car leur relation est vide. Le personnage d’Anthony ne cherche qu’à fuir sa femme avec laquelle chaque interaction est une incompréhension. Repoussé par son enfant, Anthony voit la maternité comme une araignée qui le ronge au point de l’amener à l’adultère.

Photo de Jake Gyllenhaal dans le film Enemy de Denis Villeneuve. L'acteur est face à son double et ils regardent tous deux leurs mains.

Enemy aborde donc des sujets très forts comme le refus de la paternité et la schizophrénie à travers des images malsaines qui laissent le spectateur de marbre. On pense notamment au dernier plan traumatisant qui conclue le film sans note d’espoir. La scène d’ouverture résume elle aussi parfaitement le mal dont souffre Anthony, que l’on retrouvera quelques instants plus tard en la personne d’Adam dans un appartement vide, échappatoire à la vie rangée qui l’attend. Si Denis Villeneuve distille dès les premières minutes des signes sur la schizophrénie du personnage, il réussit cependant à nous faire douter. Le but n’est pas de tout expliquer mais de nous perdre dans les projections mentales d’Adam et Anthony. Comme eux, nous ne savons pas quel discours est le bon. Enemy est tout sauf un long métrage rationnel où ce que l’on voit correspond à la réalité. A l’inverse de Prisoners où l’intrigue pouvait être démêlée grâce à des indices habilement dissimulés, il est inutile d’essayer de lire entre les lignes avec une logique cartésienne pour déchiffrer le piège que représente Enemy, vision d’un être ayant sombré dans la folie.

Thriller lynchien par excellence, Enemy est une nouvelle preuve du talent de Denis Villeneuve qui, s’il n’invente rien, nous offre une œuvre admirable. Tourné avant Prisoners, le long métrage démontre que le duo Gyllenhaal/Villeneuve fonctionne à merveille. En deux rôles, le comédien a retrouvé la face sombre de Donnie Darko. On attend désormais une troisième collaboration des deux artistes avec impatience.

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