Critique : Face à la nuit – Le temps qui reste

Affiche de "Face à la nuit", sur laquelle le personnage principal incarné par Lee Hong-Chi avance armé dans une ruelle de Taipei.

Durant l’hiver 2049 à Taipei, un ancien policier devenu agent de sécurité est engagé pour commettre un meurtre. Au cours d’une nuit décisive, il voit son passé resurgir, de sa vie de famille gâchée à ses convictions de jeunesse parties en fumée.

Long-métrage construit en trois actes qui ne cessent de gagner en mélancolie et en puissance émotionnelle, Face à la nuit réserve un accueil particulièrement froid au spectateur. Après un premier plan qui en dit long sur la société suicidaire et austère dépeinte, le film présente un personnage désabusé, pessimiste et solitaire. Dans les rues de Taipei, Zhang Dhong Ling erre comme un vestige d’un autre monde, hanté par les douleurs du passé.

Si le budget restreint se ressent à travers certains choix esthétiques, le réalisateur Wi-ding Ho parvient à mettre en avant le décalage entre l’ancien flic devenu tueur à gages et un univers futuriste dans lequel il n’a quasiment plus aucune attache. Dans la chambre d’une maison close, Zhang Dong Ling voit le fantôme d’un amour perdu réapparaître. Cette rencontre déclenche un compte à rebours dans l’existence du tueur, qui se lance dans un enchaînement d’actes désespérés.

Photo tirée du film "Face à la nuit", sur laquelle le héros incarné par Jack Kao tient une arme dotée d'un silencieux.

Ce premier chapitre est probablement le moins chaleureux de Face à la nuit mais plante parfaitement le cadre du récit, suscitant de nombreuses interrogations autour du héros, à commencer par les raisons qui l’ont poussé à en arriver là. Pour répondre à ces questions, Wi-ding ho remonte dans le temps et revient sur les deux autres nuits les plus importantes de la vie de Zhang Dong Ling. En inversant la chronologie, le réalisateur transforme un parcours tragique en un récit fataliste bouleversant, étalé sur près de cinquante ans.

À mesure que le film avance, le spectateur comprend véritablement les décisions de l’ex-policier, qui était autrefois un jeune homme idéaliste piégé par l’environnement criminel et corrompu dans lequel il a grandi. Le regard triste de l’acteur Jack Kao dans la première partie prend tout son sens lorsque les trahisons et les désillusions qu’il a traversées sont dévoilées. Face à la nuit laisse le sentiment que certaines trajectoires de vie sont immuables, et que les efforts de Zhang Dong Ling pour s’en sortir n’ont jamais été suffisants.

Photo tirée du film "Face à la nuit", sur laquelle les personnages incarnés par Louise Grinberg et Lee Hong-Chi sont assis côte à côte dans un bus.

Dépassant habilement le cadre du film policier classique, Face à la nuit traite avant tout de l’amour auquel un homme n’a jamais vraiment eu droit. C’est ce que souligne la scène finale ainsi que la superbe parenthèse romantique vécue avec une jeune femme interprétée par la Française Louise Grinberg, dont la brièveté souligne à merveille le caractère inévitable de l’ensemble. Excellente surprise, Face à la nuit est donc un thriller sublimé par l’amertume et les regrets d’un perdant magnifique, dont la lutte acharnée pour déjouer le destin offre certaines des plus belles séquences vues au cinéma cette année.

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