Présenté hors compétition à Cannes en 2013, Gatsby est un long métrage qui faisait à la fois très envie et très peur. Très envie car le film est une nouvelle adaptation du roman de Fitzgerald, papa de Benjamin Button, mais aussi parce que le mythique personnage est interprété par Leonardo DiCaprio, une icône qui se trompe rarement (J. Edgar) et qui continue à nous impressionner d’année en année (Le Loup de Wall Street). Si DiCaprio a accepté Gatsby, c’est en grande partie pour retrouver Baz Lurhmann, qui l’avait révélé dans Roméo + Juliette seize ans plus tôt.
C’est justement le nom de Baz Lurhmann qui nous faisait peur. Son univers ultra coloré, flamboyant et parfois de très mauvais goût n’allait-il pas ruiner l’atmosphère unique du roman ? Malgré toutes nos appréhensions, il faut reconnaître que nous avons été séduits par l’esthétique du long métrage. A travers ses couleurs, ses contrastes et ce montage rapide, le cinéaste réussit à retranscrire toute l’outrance de la vie de ces bourgeois emportés dans le tourbillon des années 20.
Pour renforcer ce sentiment, Lurhmann apporte à ses images une bande originale clinquante. Pour la musique, le cinéaste a collaboré avec Jay Z, producteur exécutif du film et businessman impitoyable que l’on pourrait presque comparer au héros. Le rappeur new-yorkais s’est entouré de certains des artistes les plus populaires du moment pour remplir son contrat, à savoir amplifier le rythme infernal de la vie des protagonistes et rendre hommage à la période jazz que Fitzgerald appréciait tant.
Dans la forme, Gatsby possède donc de nombreux points forts malgré son découpage qui enlève toute fluidité à certaines séquences qui auraient gagné en intensité si Luhrmann avait pris son temps. L’autre déception vient de certains plans faussement symboliques, à l’image de celui où DiCaprio tend sa main droite affublée d’une énorme bagouze vers la lumière verte qui illumine la demeure de sa bien-aimée.
C’est dommage car dans le roman de Fitzgerald, cette niaiserie n’est jamais présente. Elle est effacée par le charisme du héros, un personnage énigmatique qui ne se dévoile jamais sauf pour reconquérir le cœur de la femme qu’il convoite depuis des années et qu’il rêve de croiser à l’une des immenses fêtes qu’il organise. Dans le long métrage, Lurhmann a l’intelligence de ne pas nous présenter son héros trop tôt. Mais la part de mystère qu’il instaure disparaît totalement dans la dernière partie durant laquelle le propos est oublié au profit de passages faciles où les sentiments sonnent faux. On a donc du mal à être émus par cette histoire d’amour impossible qui aurait pu contraster avec l’effervescence d’une vie sans limite et la force apparente du personnage principal.
Ce dernier est brillamment interprété par DiCaprio. Lorsqu’il se livre entièrement à Daisy, la femme de sa vie, ou lorsqu’il s’emporte face à son mari Tom Buchanan, l’acteur est toujours juste. Joel Edgerton est le seul autre comédien qui réussit à donner un véritable intérêt à son personnage. Il parvient à rendre Tom détestable sans difficulté. Ce n’est en revanche pas le cas de Carey Mulligan et Tobey Maguire qui restent trop effacés et n’arrivent pas à s’imposer. Maguire est pourtant le pivot de l’intrigue, celui qui évolue le plus et connaît une véritable désillusion. Malheureusement, l’ancien Spiderman reste un narrateur timide et jamais dans le film nous ne nous sommes intéressés à son sort.
Gatsby n’est pas un échec total mais l’on aurait aimé s’intéresser davantage à ces protagonistes flamboyants au destin tragique qui nous prenaient aux tripes dans le roman de Fitzgerald. En revanche, on se réjouit du dynamisme apporté par Luhrmann et de son sens de l’image singulier mais en aucun cas révolutionnaire comme on avait pu l’entendre lors de la sortie du film. Enfin, ce que l’on retiendra avant tout, c’est que DiCaprio est capable de tout et notamment de rehausser la qualité d’une œuvre mineure.