De Godzilla, on ne connaissait que l’œuvre originale d’Ishirô Honda et le navet de Roland Emmerich, c’est à dire quasiment rien quand on sait qu’une trentaine de films ont été consacrés au légendaire monstre japonais. On n’avait aucune raison apparente d’être attiré par cette adaptation américaine signée Gareth Edwards, révélé au grand public grâce à Monsters. Dès les premières bandes annonces brillamment montées pour ne pas trop en dévoiler, notre intéressement n’a cessé de grandir et l’on espérait avec Godzilla le renouveau du film de kaïju amorcé l’an passé avec l’excellent Pacific Rim.
De nombreux rapprochements ont d’ailleurs été faits entre les deux œuvres. Dire que Godzilla est une arnaque et une succession de combats illisibles pompés sur Pacific Rim est une grossière erreur. Cette adaptation est un véritable film catastrophe, sur lequel l’ombre de Steven Spielberg plane constamment et dont la lente exposition prouve qu’Edwards a volontairement repris le mythe à son origine.
Les références aux œuvres japonaises sont évidentes. Cependant, Godzilla n’est pas réservé qu’aux amateurs du genre, loin de là. Durant tout le long métrage, on retrouve de nombreux éléments familiers qui fonctionnent toujours autant. Le scientifique qui comprend le danger avant tout le monde est présent. Le héros torturé et au passé douloureux aussi. Les chercheurs qui tentent de sauver les meubles sont également de la partie mais contrairement aux deux personnages cités précédemment, on a du mal à s’identifier et s’attacher à eux.
C’est le seul reproche que l’on pourrait faire à Godzilla au niveau des protagonistes. Entouré d’acteurs talentueux, à commencer par Bryan Cranston (Breaking Bad) et surtout Aaron Taylor-Johnson (Savages), Edwards réussit à réutiliser une recette servie maintes et maintes fois qui a pourtant un véritable intérêt. En effet, tout le phénomène engendré par Godzilla est vécu à travers les yeux de ces deux personnages. Leur vision du monstre,qui évolue au fil de l’oeuvre permet au spectateur de comprendre toutes les retombées humaines de la catastrophe.
Ce point positif faisait tout l’intérêt de Cloverfield dont le concept en found footage réduisait les perspectives visuelles et laissait le spectateur sur sa faim. A l’inverse, Gareth Edwards signe des scènes lisibles et spectaculaires. L’atmosphère grise et les séquences de nuit nous rappellent certains passages cauchemardesques de La guerre des mondes et l’ambiance apocalyptique de la dernière partie vient largement combler nos attentes en termes d’action.
Edwards a compris l’identité de la créature, sorte de figure mythologique envoyée pour rétablir l’ordre de la nature. Godzilla n’est donc pas qu’une simple bête de foire prétexte à des séquences jouissives. Sa phase de destruction est nécessaire pour remettre en place l’équilibre. De plus, le monstre n’a pas l’allure souple du T-Rex présent chez Emmerich. La créature est lourde et imposante. Cela se ressent parfaitement dans les scènes d’action, plus lentes, compréhensibles et élégantes que celles de beaucoup d’oeuvres récentes (The Darkest Hour, Cowboys & Envahisseurs).
Edwards parvient à faire découvrir une icône de la culture japonaise, imaginée suite aux bombardements nucléaires de la Seconde Guerre Mondiale, à un public plus large. On a déjà envie d’en apprendre plus sur l’univers de ce personnage qui s’avère, malgré son apparence et nos appréhensions, touchant. Il suffit de se remémorer l’un des derniers plans, dans lequel les deux héros (Taylor-Johnson et Godzilla) effectuent un mouvement similaire côte à côte pour comprendre que nous n’avons pas affaire à une bête sans âme.
Godzilla nous a rappelés ces films catastrophe censés et brillamment construits à l’image des Dents de la mer, Jurassic Park et surtout 2012. Blockbuster spectaculaire et intelligent qui parvient à toucher le public en traitant son sujet à échelle humaine, cette nouvelle adaptation est beaucoup plus qu’une vulgaire américanisation d’un mythe passionnant que l’on a envie de fouiller en sortant de la salle.