Critique : Hannibal – Une affaire de goût

Affiche d'Hannibal de Ridley Scott. Nous y voyons le visage pervers d'Hannibal souriant dans l'ombre.

Hannibal Lecter est sans aucun doute l’un des méchants les plus inquiétants du cinéma au même titre que la terrible infirmière Mildred Ratchett, Max Cady ou encore Norman Bates. Le propriétaire du Bates Hotel et notre cannibale préféré sont d’ailleurs les personnages principaux de deux séries qui reviennent sur leurs origines. Avant ce ravalement de façade, ils ont été les héros de sagas très inégales, en particulier pour Norman Bates, qui se sont essoufflées avec le temps et perdaient de vue leurs ambitions premières.

Hannibal est loin d’être le long métrage le plus honteux de ceux consacrés à Lecter, personnage créé par le romancier Thomas Harris. A côté de l’adaptation foireuse de Dragon Rouge par Brett Ratner et du désastreux Hannibal Rising, il fait office de chef d’œuvre. Mais si nous le comparons au Sixième sens de Michael Mann et au Silence des agneaux de Ted Demme (critique ICI), il semble n’être qu’un petit thriller sympathique qui privilégie le gore à la tension psychologique qui représentait les deux longs métrages cités.

Il y a tout de même énormément de choses intéressantes dans Hannibal, à commencer par la réalisation de Ridley Scott. Entre Gladiator et La chute du faucon noir, Scott s’amuse à utiliser des procédés que son frère Tony maniera à merveille par la suite, notamment dans Man on fire. Chez Ridley, c’est parfois brouillon, parfois réussi. On se serait par exemple passé de ces flashbacks ultra violents filmés au ralenti qui, au lieu de mettre mal à l’aise, ne donnent qu’un rendu laid et grossier. En revanche, on aime beaucoup la poursuite dans les rues de Florence entre Lecter et un pickpocket.

Photo d'Anthony Hopkins et Julianne Moore dans le film Hannibal de Ridley Scott. Hannibal porte son célèbre masque et porte Clarence.

Ce déséquilibre est également présent dans le scénario. La première partie dans laquelle nous retrouvons Lecter à Florence est très intéressante. Traqué par un détective italien incarné par l’excellent Giancarlo Giannini, Hannibal se rend compte qu’il va devoir mettre un terme à sa vie discrète mais oisive. Les rapports entre les deux hommes donnent lieu aux scènes les plus inquiétantes du long métrage. C’est finalement lorsque Hannibal ne fait rien qu’il devient le plus effrayant. C’était d’ailleurs le principe du Silence des agneaux qui regorgeait de face-à-face insoutenables entre Clarice Starling et le psychopathe malgré la présence de la fameuse vitre blindée.

L’agent du FBI a d’ailleurs changé d’interprète dans cet épisode et c’est une actrice extrêmement talentueuse qui prend la relève de Jodie Foster, qui avait placé la barre très haute. Julianne Moore se relance à la poursuite du docteur et cette fois, ils ne partageront que très peu de temps ensemble. Les séquences qu’ils ont en commun sont les moins réussies de l’œuvre. Une fois rentré aux Etats Unis, Hannibal effectue un massacre qui n’est qu’un prétexte à des scènes gratuites, plus dégoutantes qu’éprouvantes. Ridley Scott lâche toute la subtilité qui caractérise son héros et certains passages volontairement absurdes tombent dans le ridicule. Le malheureux Ray Liotta s’en souvient encore.

L’autre gâchis du film, c’est le personnage de Mason Verger interprété par un Gary Oldman méconnaissable (c’est le moins qu’on puisse dire) qui dérange et semble être un véritable obstacle à Lecter mais qui n’aura droit qu’à une fin bâclée, à l’image de toute la dernière partie.

Hannibal commence très bien et contient quelques fulgurances mais le film est malheureusement gâché par une grossièreté visuelle qui est l’exemple du traitement à ne pas suivre pour aborder un personnage aussi charismatique, discret et menaçant.

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