Vous l’avez peut être remarqué, quand on parle des frères Coen par ici, c’est généralement avec une pluie de superlatifs. Ces génies font partie des cinéastes qui ont le mieux sondé l’âme humaine. A chaque film, on doute que l’exploit soit réitéré. Et à chaque film, le miracle se produit et chacune de leurs œuvres est devenue un jalon important de notre culture cinématographique. Et c’est une nouvelle fois le cas avec Inside Llewyn Davis, plus beau long métrage de cette année 2013 et ballade bouleversante qui ne nous quittera pas de sitôt.
Llewyn Davis est un musicien raté. Errant d’appartement en appartement, il tente de se débrouiller et de relancer une carrière en laquelle il ne croit plus. On aurait pu penser qu’Inside Llewyn Davis n’était qu’un portrait de loser à l’image du décevant Killing Bono. C’était sans compter sur le talent des deux frangins les plus doués du septième art. Car à l’image du Big Lebowski, Llewyn Davis est un homme en marge de la société qui n’a pas sa place dans son environnement.
Prenant constamment du recul sur la situation, il est ce type tranquille qui n’a pas besoin de contester les opinions pour être différent. Llewyn Davis veut vivre comme il l’entend, selon ses envies, même si cela signifie qu’il restera au fond du trou. Parce qu’exister, c’est être anticonformiste sans pour autant créer une révolution. La seule ambition de Davis est d’exercer sa passion et de choisir son chemin. Et c’est pour cela que ce loser n’est jamais pathétique malgré toutes ses poisses et combines.
Ce qui fait la splendeur de la vie, ce sont les exploits mais également les occasions qu’on laisse passer, inconsciemment ou non. En adoptant ce point de vue comme ils l’avaient fait dans le très noir A Serious Man, les frères Coen viennent de créer un protagoniste magnifique, un individu qui évite tout chemin pré-établi et se contrefout des standards et des tendances.
Cet attachement pour un personnage, on ne l’avait pas ressenti depuis très longtemps au cinéma. Inside Llewyn Davis a toute la douceur et l’amertume d’une chanson de Dylan, que Davis croisera peut-être un de ces quatre dans un café sans savoir qu’il contemple son semblable mais aussi son antithèse.
Plus qu’un simple portrait, le long métrage est une transportation dans une époque et des lieux qui nous manquent sans qu’on les ait connus. Quand on admire tous ces musiciens chanter dans un bar peu rempli, on se rend compte qu’on donnerait n’importe quoi pour être attablé à leurs côtés pour les écouter avant d’aller se balader dans le Greenwich Village des années 60, qui n’a plus le même charme aujourd’hui. La musique berce, les images envoûtent. Que dire de plus à part qu’on n’est peut-être pas nés à la bonne période ? Heureusement que des artistes comme les Coen sont là pour nous raconter ce genre d’histoires, exceptionnelles malgré leur banalité.
Oscar Isaac était un très bon acteur avant sa rencontre avec les Coen. Aujourd’hui, il fait partie des grands. On aime voyager avec lui à travers toutes ces séquences extraordinaires aussi bien lorsqu’elles sont prises à part que lorsqu’elles forment un tout cohérent et abouti. On pense évidemment au long passage absurde en voiture avec John Goodman (O’Brother), à ses confrontations avec Carey Mulligan (Drive) ou avec son échange avec le grand F. Murray Abraham (Amadeus).
Ne pas vouloir qu’un film s’arrête, c’est un sentiment rare. C’est la raison pour laquelle il faut voir Inside Llewyn Davis, condensé de toute la richesse et la grandeur du cinéma des Coen, des génies généreux.
La photographie et la musique de ce film sont juste excellente !