Après l’assassinat de son mari, le 22 novembre 1963, Jackie Kennedy tente de surmonter la violence de l’événement afin d’organiser des funérailles qui rendront hommage à l’implication politique de JFK.
Jackie Kennedy déclare au début de l’œuvre qu’elle a souvent été mal jugée par les journalistes. Alors en train de préparer un entretien pour Life à travers lequel elle dévoile son ressenti suite au meurtre brutal survenu devant ses yeux, l’ex-première dame voit tous ses souvenirs refaire surface. Ce sont eux qui guideront le récit discontinu et passionnant de Jackie, le nouveau film de Pablo Larraín qui sort quelques semaines après Neruda.
Le spectateur navigue entre flashbacks fatidiques de moments qui suivirent la mort de JFK et vidéos d’archives. Dans ces dernières, nous découvrons une première dame exemplaire et extrêmement conventionnelle, apparemment bien loin des tourments auxquels elle fait face au fil du long métrage. La diversité des souvenirs évoqués contraste totalement avec les reportages d’époque, ce qui permet au réalisateur de présenter les multiples visages d’un personnage complexe malgré les courtes périodes évoquées.
Lors de l’organisation des funérailles, Jackie fait preuve d’une volonté inébranlable. Les plans où elle déambule dans la Maison Blanche à la recherche d’interlocuteurs constamment dans le secret traduisent à merveille la confiance qu’elle perd progressivement et la peur qui s’installe. A l’inverse, l’échange émouvant entre Jackie et un prêtre incarné par John Hurt se révèle salvateur grâce à la bienveillance des propos de ce dernier.
Jusqu’à la conclusion de l’œuvre, Jackie est tiraillée. Entre les complications diplomatiques et sécuritaires dues à l’enterrement et son besoin de laisser une marque de son époux et sa famille dans l’Histoire, l’ex-première dame hésite mais suit toujours son instinct personnel.
Le parallèle qu’elle fait entre le Roi Arthur et Kennedy illustre le souhait de retenir les idéaux de son mari plutôt que les difficultés qu’ils ont pu avoir ensemble. Rarement leur vie de couple est évoquée durant le long métrage, comme si Jackie voulait garder cacher précieusement certains regrets afin de transmettre uniquement l’image d’homme d’état qu’elle respecte profondément.
Cette lutte permanente qui envahit Jackie et que le prêtre tente d’apaiser, Natalie Portman nous la fait vivre, soutenue par un incroyable montage qui fait voyager le public entre ses différents états d’esprit. Le découpage provoque l’empathie du spectateur qui découvre une personnalité que l’on pensait insondable et qui ne cesse de nous surprendre. Extrêmement posée et précieuse lorsqu’elle donne une visite de la Maison Blanche pour la télévision, son traumatisme et sa colère ressortent d’autant plus lorsqu’elle fait face à la mort.
Les altercations avec Robert Kennedy ou la façon qu’elle a de toucher ses vêtements tachés de sang sont des images puissantes qui font partie d’un ensemble décousu mais d’une cohérence impeccable. Si l’on ne se forge en aucun cas un avis définitif sur Jacqueline Bouvier Kennedy, la sensation d’intimité avec la figure est très forte dans le long métrage. Portrait tour à tour oppressant et émouvant, Jackie offre une vision extrêmement large d’un personnage qui n’avait jamais eu la chance d’occuper une place centrale au cinéma.