Après 9 ans de fuite, Jason Bourne vit de combats de rue et continue de parcourir le monde. Une vieille connaissance le retrouve et lui révèle des secrets sur son passé. La traque des services secrets commence et l’ancien agent est de nouveau obligé de se battre.
Si La vengeance dans la peau se terminait de la meilleure manière et que la saga n’avait pas besoin de Jason Bourne : L’héritage, le retour de Paul Greengrass et Matt Damon aux commandes suscitait forcément l’enthousiasme. Le cinéaste, aidé de son monteur Christopher Rouse, est cette fois-ci également scénariste. Reprenant avec cohérence la trame de Tony Gilroy basée sur les romans de Robert Ludlum, Jason Bourne dévoile un script terriblement efficace où les souvenirs tourmentés du héros s’allient avec brio à un complot politique et des scènes d’action toujours aussi impressionnantes.
S’il n’était clairement pas nécessaire, ce nouvel épisode n’est en revanche jamais paresseux dans sa narration. Bourne fait de nouvelles découvertes et rencontre deux ennemis interprétés par Tommy Lee Jones et Vincent Cassel. La rigidité patriotique et le complot gouvernemental mené par le premier rappellent l’affaire Snowden. Sans oublier le passé de Bourne, Greengrass apporte à son univers une réflexion sur la transmission des données à travers les nouveaux modes de communication. Le sujet n’est plus tout neuf au cinéma mais en gardant le ton des précédents opus, il isole encore plus le héros et fait de lui un paria traqué et dépassé par la technologie.
Jason Bourne a rarement semblé autant en danger et trouve un adversaire coriace en la personne d’Alicia Vikander. Bien plus ambiguë que ses prédécesseurs et ses supérieurs hiérarchiques, ses réactions sont difficiles à anticiper et font d’elle un personnage redoutable. La comédienne est l’une des très bonnes surprises de cet épisode, au même titre que Tommy Lee Jones et Vincent Cassel. Ce dernier s’impose d’ailleurs comme l’ennemi le plus meurtrier de Bourne. Le spectateur le découvre lors d’une séquence éprouvante dans les rues d’Athènes où des manifestations tournent mal et deviennent le théâtre d’un affrontement musclé.
Paul Greengrass n’a rien perdu de sa virtuosité lorsqu’il filme en caméra portée. Le réalisateur sait utiliser les espaces et leur relief pour prendre au piège ses protagonistes. Au-delà de l’action lisible et compréhensible grâce au travail méticuleux sur les chorégraphies et au découpage de Christopher Rouse, ces séquences rappellent les événements de 2015 en Grèce et placent une nouvelle fois Bourne dans un contexte actuel qu’il analyse en permanence afin de survivre.
Matt Damon parle très peu mais lutte constamment. Le visage fatigué, on a l’impression que Bourne avance sans trop savoir que faire jusqu’à l’habile conclusion qui répond magistralement à l’un des enjeux du film. Sans être provocateur, Greengrass refuse la rédemption patriotique d’un homme seul dans un système désormais hyper-connecté. Si le cinéaste n’est pas toujours subtil dans sa critique sur l’accessibilité et le contrôle des données, il n’a par contre aucune difficulté à la lier au destin de Jason Bourne. Alors que le temps de la vengeance est désormais révolu, celui de la paranoïa ne fait que continuer pour le héros, et ce pour notre plus grand plaisir.