Louis rentre chez sa famille après une douzaine d’années d’absence. Alors qu’il vient annoncer une nouvelle déterminante, il se retrouve face à des individus avec qui il n’échange plus rien et qu’il réapprendra à connaître durant cette journée fatidique.
Juste la fin du monde s’ouvre sur les doutes et appréhensions de Louis. Lors d’un trajet en voiture durant lequel l’auteur de théâtre se pose de nombreuses questions, le spectateur fait connaissance avec les routes autour desquelles Louis a grandi. Les plans sont lents, aériens et la sensation d’espace est palpable. Pourtant, le héros est vu comme un étranger par les habitants et l’on comprend immédiatement que sa place n’est plus ici.
Lorsque Louis pénètre dans la maison de sa mère, la caméra vient se coller au visage des protagonistes et le montage s’accélère. Comme dans ses précédents films, Xavier Dolan joue avec son cadre, représentatif des émotions des personnages. Jusqu’à la fin du long métrage, les plans seront majoritairement rapprochés, traduisant le malaise de chaque personne. Les seules bouffées d’air que le cinéaste nous offre sont les souvenirs d’enfance et d’adolescence où Louis est rarement seul et où la complicité avec sa famille se ressent. La douleur est d’autant plus accentuée lorsque l’on découvre le décalage entre le passé et l’accueil de Louis qui annonce immédiatement l’impossibilité de communiquer.
L’envie de retrouver Louis est perceptible à travers le comportement d’une sœur qui ne le connaît pas vraiment, d’une mère qui a perdu le contrôle sur ses enfants, d’un frère étouffé par l’image de Louis et de sa femme qui peine à trouver sa place au sein de la famille. Tous s’écoutent mais ne s’entendent pas. Si les mots de Jean-Luc Lagarce sonnent parfois faux durant les premières scènes, ils deviennent rapidement l’un des gros points forts de l’œuvre. Xavier Dolan les associe à des regards beaucoup plus évocateurs. La superficialité et la gêne dans les rapports prennent ainsi tout leur sens à mesure que le film avance.
Le spectateur voit à chaque instant l’envie d’être aimé et accepté, le besoin de se mettre en avant et de combler le vide qui s’est installé durant des années. Les non-dits, les hésitations et le silence de Louis qui préfère se taire rendent Juste la fin du monde bouleversant. Comme il le dit lors de la séquence d’ouverture, les motivations qui poussent à fuir une famille sont aussi grandes que celles qui poussent à revenir. Ce sont ces volontés que le réalisateur sait parfaitement retranscrire et qui renforcent le poids de décisions qui paraissent toujours simples lorsqu’elles ne nous concernent pas.
La luminosité est très rare dans Juste la fin du monde. Elle est absente des visages souvent filmés dans l’ombre et n’apparaît que lors des souvenirs où Dolan réussit à mettre en scène des séquences lyriques avec des tubes de sa génération. Le cinéaste arrive à nous faire vivre une palette d’émotions extrêmement larges. La douleur, le manque, la frustration, le besoin de reconnaissance et d’amour auraient pu rendre l’œuvre mielleuse. Pourtant, plus le film avance, plus il gagne en simplicité et devient touchant. La réalisation est pertinente, les comédiens sont au sommet de leur art et l’histoire avance logiquement jusqu’au final déchirant. Juste la fin du monde est un très beau long métrage sur les désastres du temps.