Critique : La Horde Sauvage – La Dernière Marche

Affiche de La Horde Sauvage de Sam Peckinpah sur laquelle une bande d'hommes armés avancent côte à côte vers l'horizon. Des portraits de William Holden, Ernest Borgnine, Robert Ryan et Edmond O'Brien sont visibles en bas de l'affiche.

Réponse radicale au western spaghetti et au mythe de la conquête de l’Ouest, La Horde Sauvage porte toute la mélancolie du réalisateur Sam Peckinpah, artiste qui ne cessa de s’insurger contre Hollywood pour défendre un cinéma libre et dénonciateur des violences commises au nom de l’Histoire.

L’ironie féroce du cinéaste se ressent dès l’entrée d’une bande de bandits déguisés en soldats dans Starbuck, ville frontalière entre le Mexique et les Etats Unis. Entre regards hésitants et sourires aux habitants, les criminels ne s’attendent pas au massacre qu’ils sont sur le point d’engendrer en tentant de voler les fonds de la compagnie de chemin de fer. Des chasseurs de primes menés par un vieil ami du leader sont regroupés sur les toits et s’apprêtent à les prendre au piège.

Lors de la confrontation, les coupes sont nombreuses et les corps dansent au ralenti lorsqu’ils sont touchés avant de s’effondrer brutalement. Alors que des enfants faisaient s’affronter des scorpions et des fourmis rouges avant l’attaque, les chasseurs se réjouissent des meurtres, fouillent les corps à la recherche d’argent pendant que les criminels achèvent leur partenaire blessé après avoir pris la fuite.

Photo d'un corps touché par balles qui tombe au ralenti dans le film La Horde Sauvage de Sam Peckinpah.

La violence est omniprésente, à la fois lente et expéditive grâce aux ralentis s’enchaînant sur le montage unique de Lou Lombardo. Les coups sont durs mais les chutes paraissent douces. Peckinpah capte la mort comme une danse funeste qui fait écho au parcours des personnages, conscients qu’ils courent à leur perte mais prenant le temps de rire tant qu’il est encore temps.

Alors que le Mexique les accueille et leur permet de se réfugier, les personnages fournissent des armes aux rebelles tout en faisant affaire avec un tyran bien entouré d’une armée fédérale. Lors du tournage, les Etats Unis sont en pleine guerre du Vietnam. S’il n’a jamais fait de long métrage sur le sujet, Peckinpah a su montrer tout ce qu’il en pensait à travers le comportement du général puant Mapache et de celui des criminels qui répondent à sa cruauté par une barbarie inouïe alors que des villageois les ont reçus chaleureusement.

Photo de Ben Johnson, Warren Oates, William Holden et Ernest Borgnine marchant côte-à-côte dans le film La Horde Sauvage de Sam Peckinpah.

Les éclats de joie que l’on redécouvre lors du générique de fin ramènent le répit après l’une des batailles les plus marquantes du cinéma. Entre les deux combats qui introduisent et concluent le film, les héros comprennent qu’il est désormais trop tard pour aspirer à une vie paisible. Comme ceux de Coups de feu dans la Sierra, Pat Garrett et Billy le Kid et Apportez moi la tête d’Alfredo Garcia, les protagonistes savent qu’ils sont perdus, continuent d’agir selon leur ligne de conduite et trouvent dans l’amitié un moyen d’affronter les regrets. Les discussions entre Ernest Borgnine et William Holden, les souvenirs de jeunesse de ce dernier avec son meilleur ennemi incarné par le grand Robert Ryan et la complicité entre les frères interprétés par Ben Johnson et Warren Oates traduisent cette volonté de vivre tout en sentant la mort s’approcher.

Loin d’être parfaits, les bandits restent néanmoins fidèles à eux-mêmes. Leur dernière avancée côte à côte bouleverse et synthétise à merveille La Horde Sauvage, l’une des plus belles marches vers la mort du septième art. Rempli de prouesses techniques comme l’explosion d’un pont tourné en une seule prise, le long métrage donna un nouveau souffle au western et porte tout le nihilisme de l’un des cinéastes les plus incompris d’Hollywood.

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