Critique : La La Land – Bons Baisers d’Hollywood

Affiche américaine de La La Land de Damien Chazelle sur laquelle Emma Stone et Ryan Gosling dansent dans les hauteurs de Los Angeles.

S’émerveiller devant la totalité d’un film est un privilège assez rare. C’est le cas avec La La Land, pépite dans laquelle tout l’amour et la dévotion à l’art de Damien Chazelle se ressentent en permanence.

Tout commence par une danse ahurissante qui donne le ton sur le périphérique bouché de Los Angeles. Après un premier numéro, le spectateur en redemande et espère que l’enchantement ne faiblira pas jusqu’au générique final. Il sera constamment rassuré par les séquences qui suivent, en parfaite cohérence avec les précédentes mais apportant toujours de nouvelles émotions, de nouvelles idées de mise en scène et un regard sur l’art en perpétuelle évolution.

Mia est une comédienne en devenir qui met toute son énergie dans des auditions souvent écourtées. Sebastian est un pianiste qui joue des standards dans un bar à samba et tapas. Tous deux habitent Los Angeles et seront amenés à se croiser dans l’immense machine à rêves.

Photo de Ryan Gosling et Emma Stone face à face à l'entrée d'un club de jazz de Los Angeles dans La La Land de Damien Chazelle.

Avant de provoquer une rencontre entre ses deux personnages passionnés, l’un par le cinéma, l’autre par le jazz, Damien Chazelle prend le temps de dépeindre leurs illusions, leur vision différente mais complémentaire de l’art et leur investissement total pour se consacrer pleinement à ce qu’ils aiment vraiment.

Aucune ville autre que Los Angeles n’aurait pu mieux accueillir ces deux individus talentueux. La grandeur que l’on s’imagine de la mégalopole et le sentiment de solitude qui émane des larges trottoirs et des hauteurs de la ville sont des éléments qui conditionnent les héros. Los Angeles donne à Mia et Sebastian l’inspiration mais peut aussi engendrer un épuisement, renforcé par la disparition d’une musique libre et la difficulté de percer à Hollywood en tant que comédien ou scénariste.

La géométrie new-yorkaise convenait parfaitement à la rigueur et l’enfermement que s’imposait Miles Teller dans Whiplash. L’âme de l’âge d’or hollywoodien qui continue de planer et les clubs fermés qui accueille des amateurs dans des lieux sombres représentent le cadre idéal pour le parcours des deux artistes de La La Land.

L’importance qu’accorde Damien Chazelle à tous les détails apporte au spectateur un contentement total et une immersion dans un univers duquel on ne souhaite absolument pas sortir. Le montage d’une scène de café apparemment anodine, la multiplicité des émotions lisibles dans les yeux d’Emma Stone et Ryan Gosling ou la volonté de tourner certaines chorégraphies en une prise ne sont que quelques preuves de l’implication du metteur en scène et ses équipes sur l’œuvre.

Photo d'Emma Stone et Ryan Gosling ensemble au cinéma dans le film La La Land de Damien Chazelle.

La La Land n’est pas qu’un long métrage tourné en Technicolor pour nous rappeler le charme éternel des grands spectacles auxquels il rend hommage. La disparition du jazz n’est pas traitée de façon mélancolique et la remise en question sur la légitimité artistique est constante.

Comme ses personnages, Chazelle se surpasse afin que tout son film soit imprimé dans notre mémoire. La volonté de ne pas tenir compte des opinions et de se concentrer sur sa discipline qui anime Sebastian semble résonner chez le cinéaste. Elle lui permet de se renouveler à chaque séquence, d’enchaîner des ruptures dans la narration qui fonctionnent toujours, d’assumer des passages oniriques où l’on replonge chez Jacques Demy et Stanley Donen et de filmer des séquences musicales avec modernité.

L’exigence passionnée de Damien Chazelle force l’admiration. Si La La Land semble faire l’unanimité, c’est parce qu’il se réinvente continuellement et aborde aussi bien les désillusions que l’enivrement engendrés par l’art chez son créateur et son public. Les sacrifices que Sebastian et Mia font effacent toute la naïveté de leur jeunesse et que l’on aurait pu reprocher au film. Néanmoins, jamais ils ne relèvent du pessimisme mais plutôt d’une envie de progresser qui rend La La Land beau et indispensable.

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