Premier film abordant la traque de Guy Georges, le tueur en série de l’Est parisien, L’affaire SK1 met en parallèle le procès du criminel et l’acharnement des policiers du 36 pour le coincer. Alors que l’on s’attendait à une mise en scène formelle et une interprétation hasardeuse, le long métrage parvient au contraire à rendre hommage à leur travail en nous immergeant dans une enquête haletante et épuisante.
Après 7 ans d’enquête, Guy Georges est arrêté en 1998 et condamné à perpétuité en 2001. Le film retrace toutes les opportunités, les erreurs et surtout la difficulté pour les policiers à coincer l’assassin et violeur de sept jeunes femmes.
L’affaire SK1 est une œuvre solide qui doit beaucoup à la réalisation de Frédéric Tellier, dont c’est ici le premier long métrage. Le fait d’alterner entre la traque et le procès n’est pas utilisé de manière régulière. Pourtant, jamais le récit ne paraît décousu et maladroit. Au contraire, cette irrégularité permet à Tellier de mieux nous faire comprendre les frustrations des policiers qui n’ont pas réussi à faire le lien entre l’assassin et les victimes durant de nombreuses années. Si l’on connaît tous l’issue du procès, Tellier installe tout de même une tension sans problème.
N’ayant pas la possibilité de nous surprendre avec une fin spectaculaire, le cinéaste nous fait vivre les doutes de l’enquêteur principal Franck Magne ainsi que ceux de l’avocate de Guy Georges, Frédérique Pons. La construction narrative prouve à quel point il a été difficile de cerner le tueur et de le comprendre car ce dernier est revenu pendant près de trois ans sur ses aveux.
Si la faculté de Tellier à garder un rythme constant est le gros point fort de L’affaire SK1, on doit également saluer son travail de reconstitution. N’abusant jamais des images d’archives, le cinéaste nous plonge dans les années 90 et nous fait revivre certains événements tragiques qui ont bloqué les enquêteurs. Revoir l’attentat de 1995 quelques jours après ceux ayant débuté le 7 janvier provoque une sensation étrange. La manière dont Tellier traite l’événement, sèche, sans fioritures et uniquement dans le but de faire le lien avec l’affaire SK1, ne peut qu’impressionner. Ces séquences sont à l’image du reste de l’œuvre. Nous avons là un polar qui s’écarte du lyrisme d’Olivier Marchal et de l’action pure de Fred Cavayé pour se concentrer sur la retranscription minutieuse des faits, sans forcer sur les émotions.
C’est d’ailleurs le seul bémol de L’affaire SK1, de préférer l’histoire à ses personnages dont on ne ressent pas toujours les névroses et surtout le poids d’une telle affaire. Heureusement, tous les comédiens sont impeccables et parviennent à donner de l’épaisseur à leur protagoniste, à commencer par Raphaël Personnaz (Quai d’Orsay) et Adama Niane. On pensait que le premier n’aurait pas les épaules pour porter le polar. Le comédien propose une composition à l’inverse de celles des gros bras habituels. Son calme fait son charisme et le rend, dans les rares moments où il s’emporte, encore plus inquiétant. Quant à Adama Niane, il relève sans problème le challenge de camper un assassin complexe, qui fait lui aussi preuve d’une sérénité totalement déstabilisante.
Polar à la construction originale qui dépeint parfaitement la psychologie de Guy Georges, il manque seulement à L’affaire SK1 un développement approfondi des enquêteurs. Frédéric Tellier réussit son coup d’essai haut la main, prouvant que le thriller classique à la française en a toujours sous le capot.