Critique : L’amant double – Un air de famille

Affiche de L'amant double réalisé par François Ozon. Nous distinguons en noir et blanc les visages de Marine Vacth et Jérémie Renier alors qu'ils sont en train de s'embrasser.

Tourmentée par ses maux de ventre depuis toujours, Chloé décide d’aller voir un psychothérapeute suite à plusieurs examens. Elle rencontre Paul Meyer et se confie sans fard jusqu’à ce qu’il lui avoue ses sentiments. Ils décident de s’installer ensemble et Chloé découvre rapidement que Paul lui a caché un secret extrêmement important…

Avec L’amant double, François Ozon signe une œuvre excessive qui bénéficie d’un postulat très intrigant. En abordant le thème de la gémellité parasite, l’auteur utilise la psychanalyse pour nourrir un thriller où la paranoïa ne cesse de croître. Il s’inscrit ainsi dans la lignée d’Alfred Hitchcock, Fritz Lang, Roman Polanski ou encore David Cronenberg, cinéastes qui ont su chacun à leur manière aborder l’oppression et l’étouffement que subissaient leurs personnages avec des procédés de mise en scène singuliers et mémorables.

François Ozon a lui aussi recours à des effets malins et le spectateur, qui comprend les douleurs de Chloé dès la première scène, se demande au départ où va l’emmener ce récit prometteur inspiré par Lives of the Twins, roman de Joyce Carol Oates.

Photo tirée du film L'amant double réalisé par François Ozon sur laquelle Jérémie Rénier, dont on ne voit pas le visage, prend Marine Vacth dans ses bras.

Tout comme dans Une nouvelle amie et Dans la maison, le réalisateur n’a aucun mal pour nous faire douter de ses protagonistes, à commencer par Paul, compagnon de Chloé qui semble mener une double vie. En cela, l’héroïne rappelle la future maman de Rosemary’s Baby. Tout comme elle, Chloé paraît vulnérable, seule et subit le regard des rares personnes qui l’entourent comme ceux de Paul et son étrange voisine incarnée par Myriam Boyer.

Marine Vacth parvient à nous faire ressentir la détresse grandissante de son personnage mais également la prise de pouvoir qu’elle tente d’opérer à plusieurs reprises sur son amant lorsque la fuite n’est plus une option. Elle fait face à un Jérémie Renier d’abord calme et effacé qui dévoile ensuite un côté manipulateur inquiétant à partir duquel naîtront la plupart des séquences sulfureuses de l’œuvre.

François Ozon choisit ses décors judicieusement, que ce soit le palais de Tokyo où les couloirs immaculés renforcent l’impression de vide dans la vie de Chloé lorsqu’elle n’est pas avec Paul ou leur appartement terne où les discussions formelles s’enchaînent et où toute passion semble éteinte. Si de nombreux plans symboliques n’ont pas l’impact émotionnel espéré, Ozon réussit tout de même à susciter l’effroi quelques minutes avant le générique de fin.

Photo tirée du film L'amant double réalisé par François Ozon sur laquelle Marine Vacth se tient derrière Jérémie Renier et l'observe de façon étrange. Ils semblent tous les deux nus.

Ces qualités semblent néanmoins servir un scénario rapidement dépourvu de tout mystère et suspense, notamment à cause de la distance que l’on ne parvient pas à briser avec les protagonistes. Une première révélation arrive très tôt et le seul doute subsistant est celui du degré d’impact des tourments de Chloé sur sa perception de la réalité.

François Ozon aborde la psychanalyse à travers des dialogues explicatifs auxquels on se rattache rarement et tente d’amplifier la tension érotique qui finit par sonner faux avant de délivrer une conclusion sans surprise et profondément décevante.

La fin nous fait remettre en question l’utilité d’un tel récit à tiroirs pour un thème passionnant mais dont l’approche provoque un désintérêt renforcé par le plan final. Alors que l’on suivait leur confrontation en attendant un éventuel twist malin qui les ferait gagner en épaisseur, les personnages de L’amant double ont finalement peu de choses à dire au spectateur rarement chamboulé par leurs secrets pourtant prometteurs.

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