Critique : L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford – Adieu l’ami

Poster du film L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford d'Andrew Dominik. Brad Pitt et Casey Affleck sont dans un champs. Le premier est pensif alors que le second l'observe, à l'arrière plan, avec un regard sombre et baissé.

S’ouvrant sur la douce musique de Nick Cave et les plans magnifiés par la photographie de Roger Deakins (Sicario, No Country for Old Men), L’assassinat de Jesse James possède l’une des plus belles introductions de ces dernières années. Nous y découvrons un cow-boy, présenté en voix off, observant l’horizon. Jesse James ne serait pas le héros justicier et grandiloquent dont bon nombre de récits ont fait l’éloge.

Jesse James mesure 1,73 m, souffre de blessures partiellement cicatrisées et ne peut regarder le soleil sans ressentir une douleur éprouvante. La légende l’a emporté sur l’homme et alimente l’admiration de Robert Ford, jeunot qui se rêve en bandit et idolâtre Jesse au point qu’il lui faudra l’abattre pour tenter d’atteindre sa popularité. Mais Robert Ford est un lâche et Jesse l’a découvert dès leur première conversation.

En développant une relation qui les mènera à la mort, Andrew Dominik (Cogan) signe un western axé sur la vieillesse, les illusions d’une jeunesse qui croit pouvoir tout accomplir et la tristesse des anciens qui, malgré tous leurs efforts, sont passés à côté d’une existence qui finira transformée. Ses doutes et ses peurs, le courageux Jesse James n’aura pas réussi à s’en débarrasser. Au contraire, ils n’auront fait qu’augmenter et la paranoïa de Jesse offre au spectateur des moments d’une incroyable intensité, glissés dans un long métrage au rythme lent mais jamais tranquille.

Photographie de Brad Pitt dans le film L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford d'Andrew Dominik. Jesse James se tient debout dans un champs et scrute l'horizon.

On aimerait que Jesse reprenne du poil de la bête et soit le héros que Tyrone Power, Robert Wagner et Robert Duvall ont incarné de manière flamboyante avant Brad Pitt. Ce dernier trouve peut-être ici son plus beau rôle. Son silence, ses regards perdus et ses scènes d’intimidation sonnent tellement justes que l’on a l’impression que ses récentes prestations, toujours impeccables, ne sont que des copies réussies de cette performance. Face à lui, Casey Affleck est une crapule sans honneur qui apprend vite et n’hésite pas à retourner sa veste trouée. A l’instar de son personnage de The Killer Inside Me, le spectateur est irrité par son sourire crasseux et sa capacité à n’assumer aucun de ses actes. Entre la folie grandissante de Jesse et la perfidie de Robert Ford, la tension s’accentue et Andrew Dominik nous captive durant 2h40.

On ne peut s’empêcher de penser à Terrence Malick lorsque l’on évoque la mise en scène de L’assassinat de Jesse James. Avec son aspect contemplatif, le film nous immerge, comme dans Le Nouveau Monde, au cœur d’une rivalité où les éléments naturels jouent un rôle primordial. La dureté des conditions de l’époque amplifie le malaise des personnages et l’on est bien loin des saloons où chacun sirote un whisky cigare au bec, les dents toujours très blanches. La séquence où Brad Pitt rend visite à Garret Dillahunt dans sa demeure glaciale avant de l’exécuter rend compte de l’importance que Dominik porte au cadre et à l’apparence de ses protagonistes. C’était le cas dans Cogan, où Brad Pitt incarnait un tueur à gages impitoyable et extrêmement classe par rapport à ses confrères bedonnants, sales et négligés.

Photo de Brad Pitt dans le film L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford d'Andrew Dominik. Il s'agit d'une photo prise dans des champs, avec au premier plan des épis. Au second plan se tient Brad Pitt, flou, en train d'allumer un cigare, avec la lumière du soleil derrière lui.

Le sens du détail de Dominik contrecarre à merveille la facilité du propos. Le « Fuck you, pay me » qui concluait Cogan n’était en aucun cas grossier car Dominik s’était appliqué à mettre en scène des personnages caricaturaux mais toujours assumés. C’est également le cas dans L’assassinat de Jesse James, où la profondeur revendiquée par la voix off et les plans facilement identifiables ne passent jamais pour de la prétention. Andrew Dominik pense constamment au plaisir du spectateur, prend le temps d’installer un récit à la fin logique et ne perd pas son attention grâce à des artifices variés, qui vont de la situation grotesque à des réactions beaucoup plus surprenantes et dramatiques. On se souvient notamment de l’effroi de Mary-Louise Parker lorsqu’elle découvre le corps de Brad Pitt. Entouré par des seconds rôles prestigieux (Sam Rockwell, Jeremy Renner), Brad Pitt et Casey Affleck portent ce magnifique film mélancolique qui sait parfois être tendu, parfois poétique mais dont la diversité en fait un objet inoubliable.

Ce contenu a été publié dans Critiques. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.