Critique : Le Dahlia Noir – Intolérable Cruauté

Affiche du Dahlia Noir de Brian De Palma. Devant un fond noir, nous voyons le visage de la victime allongée, qui semble s'être fait déchirer la mâchoire.

Sorti en 2005, Le Dahlia Noir représente aujourd’hui l’un des derniers polars néo-noirs dignes de ce nom et caractérise les obsessions de Brian De Palma et l’univers de James Ellroy, déjà parfaitement mis en avant dans L.A. Confidential de Curtis Hanson.

Le réalisateur de L’impasse adapte ici l’un des romans les plus populaires de l’auteur. Ellroy s’est intéressé au meurtre non élucidé d’Elizabeth Short, retrouvée atrocement mutilée en 1947 à Los Angeles. En plus de l’enquête, Ellroy développe le personnage de Bucky Bleichert, un jeune flic qui va connaître au cours de cette affaire des désillusions et des trahisons dans une ville pervertie par la corruption et le show business.

En restant fidèle à l’intrigue de l’écrivain, De Palma scinde son récit en deux parties et nous immerge d’abord dans le flamboyant Los Angeles des années 40. Jeune dur à cuire encore inexpérimenté, Bleichert est un policier naïf et ambitieux qui trouvera en son nouveau partenaire Lee Blanchard (Aaron Eckhart) un alter ego. Lorsque ce dernier lui présente sa compagne, Kay Lake, c’est un triangle amoureux qui se met en place. Le cinéaste prend le temps de laisser vivre ses personnages durant leur période de rêves et de gloire avant de les malmener en amenant le meurtre d’Elizabeth.

Nous retrouvons alors l’ambiguïté présente dans beaucoup de films de De Palma (Pulsions, Passion, Body Double). Il réutilise les meurtres à connotation sexuelle, le travestissement et offre à Scarlett Johansson et Hilary Swank des rôles de femmes fatales dans la meilleure tradition du genre. A la manière de Curtis Hanson, il nous révèle l’envers du décor de l’industrie hollywoodienne et s’intéresse à la face perverse de l’âge d’or. La victime venue dans la cité pour devenir actrice est interprétée par Mia Kirshner et rappelle certaines icônes telles que Joan Bennett (La femme au portrait). Elle sera torturée, vidée, transformée en bête de foire et abandonnée, à l’image de certaines stars, et deviendra tristement célèbre à cause des médias, qui nommeront l’affaire en référence au long métrage Le Dahlia Bleu sorti un an avant le meurtre.

Photo de Josh Hartnett et Scarlett Johansson dans Le Dahlia Noir de Brian De Palma. Le premier sort d'un entrainement de boxe alors que la seconde fume une cigarette. Ils semblent regarder un troisième personnage.

Comme dans certains classiques tels qu’Assurance sur la mort ou Le facteur sonne toujours deux fois, les héroïnes sont sacralisées par le héros. L’évolution de Bucky est totalement influencée par ces personnages. Le parcours de Josh Hartnett comporte beaucoup de similarités avec celui de Guy Pearce dans L.A. Confidential. Hartnett a la volonté de protéger des femmes qui le manipulent et jouent de leurs failles. Grand chevalier, le flic n’hésite pas à mettre de côté son honnêteté et son intégrité pour elles. Le Dahlia Noir permet à De Palma de filmer la chute d’un homme agissant par amour comme il le faisait dans L’impasse. De ces deux œuvres émane la même mélancolie, celle de personnages renonçant à leurs principes pour tenter de sauver leurs amis.

Vivement critiqué à sa sortie, Le Dahlia Noir réussit pourtant à concilier mélodrame et thriller avec habileté. On regrette quelques interprétations faiblardes (Hilary Swank, Fiona Shaw) et si l’on se perd parfois dans les différentes sous intrigues, on se laisse néanmoins porter par la réalisation d’un cinéaste qui n’a rien perdu de sa technique. Entre les séquences de boxe, la découverte du corps de Short et une scène de meurtre qui rappelle énormément la chute du landeau dans Les Incorruptibles, De Palma ne fait pas dans l’originalité mais prouve qu’il est toujours un cinéaste virtuose. Aidé par les magnifiques décors de Dante Ferreti, acolyte de Martin Scorsese, et la photographie de Vilmos Zsigmond (Voyage au bout de l’enfer), le réalisateur nous offre une reconstitution élégante, léchée et glamour du Los Angeles de la grande époque.

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