Critique : Les poings contre les murs – Comme un chien enragé

Affiche du film Les poings contre les murs de David Mackenzie. Nous y voyons Jack O'Connell dans un couloir de la prison où des cellules sont disposées des deux côtés. Il lance un regard très dur à l'objectif.

Cela fait un petit moment qu’une oeuvre ne nous était pas restée en tête aussi longtemps que Les poings contre les murs, drame britannique que l’on nous a vendu comme un « autre » film de prison. Plus profond que Dog Pound, moins racoleur que R, la nouvelle œuvre de David Mackenzie possède une puissance émotionnelle rare et nous prend constamment par surprise comme l’avait fait l’excellent Cellule 211.

On s’attendait à des effusions de sang permanentes, à une violence allant crescendo et à une peinture dénonciatrice du monde carcéral. Mais en aucun cas nous ne pensions être touchés à ce point par l’histoire de ce jeune délinquant qui se retrouve dans la même prison que son paternel qu’il n’a jamais connu. La première chose qui déstabilise dans Les poings contre les murs n’est pas l’ambiance tendue mais la relation entre les deux criminels. Nous avons d’un côté Eric, un dur à cuire venu apprendre à connaître son père et de l’autre Neville, un condamné à perpétuité qui n’a qu’un vieux dessin de son fils pour tenir. A travers leurs appréhensions, leurs regards silencieux et protecteurs et leur capacité à savoir s’exprimer avec les poings, David Mackenzie (Perfect Sense) construit des rapports complexes, où l’amour est présent mais incompatible avec l’environnement.

Les poings contre les murs nous met une claque grâce à sa subtilité. Le long métrage s’impose comme un anti Les évadés, évitant tout manichéisme et ne réclamant jamais notre pitié. Si les murs du pénitencier sont terrifiants, on ne se sent pas désolés pour les prisonniers. A l’inverse, on devient admiratifs durant certains passages, en particulier lors des séances d’échange avec l’éducateur, où l’équilibre entre contrôle de soi et pétage de plombs est parfaitement trouvé. Qu’il est agréable de regarder un film sur le sujet avec un scénario solide, sans volonté moralisatrice. A certains moments, on pourrait presque oublier que Les poings contre les murs est une œuvre se déroulant en prison alors que c’est ce paysage même qui force les personnages à prendre leurs décisions. Mais Mackenzie n’a pas la volonté de choquer et l’univers carcéral est pour lui le cadre idéal pour développer une histoire familiale et l’évolution d’un chien fou.

Photo tirée du film Les poings contre les murs. Nous y voyons plusieurs prisonniers discuter avec un éducateur en cercle dans une salle commune de la prison.

Ici, il n’y a pas de raccourci comme dans American History X où le spectaculaire prenait le pas sur le propos. La rédemption d’Eric paraît logique car Mackenzie laisse ses personnages s’exprimer. Lorsqu’il échange avec son groupe ou s’entraîne, on le voit s’attacher aux codétenus tout en restant sur ses gardes. Peu à peu, la confiance s’installe et leurs conversations s’avèrent encore plus impressionnantes que les bastons dans les douches ou contre les surveillants. Ces dialogues constituent les moments forts du film et l’apaisement qui s’en dégage lui donne une dimension plus large que la plupart des longs métrages de ce type. Les poings contre les murs est un drame émouvant et non un monument de brutalité comme on aurait pu le penser avant le visionnage. Mackenzie est à l’aise dans toutes les situations, que ce soit pour filmer une accolade ou une bagarre dans une cellule de 8 m2.

Epaulé par des acteurs exceptionnels (Jack O’Connell, Ben Mendelsohn, Rupert Friend), il rend chaque scène extrêmement intense et l’on ressort de l’œuvre complètement rincé. Jamais dans les bons sentiments, David Mackenzie signe un drame universel raconté de manière différente et plus risquée. Le cinéaste nous dévoile sa facilité à changer de registres, à tenir en haleine son spectateur chaque seconde et à l’émouvoir sans utiliser les procédés de mise en scène indigestes auxquels nous sommes habitués.

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