Pédopsychiatre réputé, Carter Nix a un comportement étrange et obsessionnel vis-à-vis de sa fille Amy. Après avoir abandonné sa carrière pour se consacrer à son éducation, Carter a des attitudes qui inquiètent de plus en plus sa femme Jenny. Lorsqu’elle trompe son mari, Jenny le voit se transformer et découvre une personnalité meurtrière qu’elle n’aurait jamais pu soupçonner.
Film maudit de Brian De Palma auquel on a souvent reproché son montage hasardeux, L’esprit de Caïn est un thriller dans lequel le cinéaste installe une tension permanente et offre comme à son habitude de géniales idées de mise en scène qui servent un récit décousu mais passionnant.
Dès l’ouverture, le cinéaste ne laisse que peu de doutes sur l’éventuelle pathologie de Nix qui l’amènera à commettre des meurtres sordides. Le spectateur découvre rapidement Caïn, l’autre personnalité du pédopsychiatre bien plus désinhibée et prédisposée au sale boulot qui permet à John Lithgow de livrer une prestation volontairement grotesque et réjouissante. Dans le cadre étouffant que représente la voiture de Nix, la première scène révèle la folie du pédopsychiatre et son obsession envers sa fille et les enfants.
Maître du thriller psychologique, Brian De Palma donne dans cette introduction quelques clés sur son personnage principal. Cela n’enlève rien au suspense de l’intrigue puisque la narration bascule ensuite vers un autre personnage. S’il le fait de façon moins virtuose que dans Pulsions, le réalisateur captive tout autant lorsqu’il nous présente Jenny, la femme de Carter qui voit un amour du passé ressurgir tout en étant de plus en plus consciente des dérives de son mari quant à l’éducation de leur fille.
Dans ce deuxième acte où Carter est vu d’un regard extérieur, le personnage apparaît tour à tour pathétique puis menaçant, notamment lors d’un cauchemar magistralement mis en scène en trois temps durant lequel De Palma biaise la frontière entre le rêve et la réalité.
Le spectateur se perd dans des ellipses mais se rattrape grâce aux indices donnés puis aux révélations faites sur la maladie de Carter qui font une nouvelle fois basculer le film. Avant Shyamalan, De Palma explorait le trouble dissociatif de l’identité, ce qui donne lieu à des séquences inattendues où le chasseur devient la proie avant de laisser Caïn reprendre le contrôle des événements.
Les signes révélés tout au long de l’œuvre prennent alors tout leur sens et si le montage met de côté Jenny dans la première partie puis Carter dans la deuxième, le spectateur a néanmoins saisi tous les enjeux et la nature des protagonistes avant l’ultime chapitre qui clôt habilement un récit dans lequel on aime se perdre.
L’esprit de Caïn laisse un souvenir trouble et si l’on a du mal à situer certaines séquences, l’ambiance tantôt oppressante, tantôt romantique mise en avant par la musique lancinante de Pino Dinaggio est profondément marquante. Si De Palma semble se montrer plus optimiste que dans certains de ses films lors du dénouement, le plan final relève toute la noirceur, l’ironie et l’étrangeté fascinante de ce thriller sous-estimé duquel ressortent des séquences aussi mémorables que celles de ses chefs d’œuvre établis.