En rentrant de la Première Guerre Mondiale, Joe Coughlin a choisi une vie de hors-la-loi et s’est promis de ne plus obéir aux ordres. Braqueur dans le Boston des années 20 alors en pleine Prohibition, Joe attaque les tripots du caïd irlandais Albert White et tombe amoureux de sa maîtresse Emma Gould. Progressivement, Joe gravit les étapes de la hiérarchie criminelle, fait face à de nombreuses désillusions mais reste décidé à devenir un homme de pouvoir.
Deuxième adaptation de Dennis Lehane réalisée par Ben Affleck, Live By Night démarre dans la ville autour de laquelle l’écrivain a bâti la majeure partie de son œuvre. Eloigné du Patrick Kenzie immiscé dans la communauté irlandaise de Gone Baby Gone et du voleur romantique Doug MacRay de The Town, Joe Coughlin est un bandit qui ne cherche pas à se ranger et ne revendique aucune appartenance à la mafia qui contrôle le crime dans Boston.
Durant la première partie, la ville est relayée au second plan pour laisser émerger les conséquences de la guerre sur le héros. Effacé et discret malgré des convictions très fortes, Affleck propose un jeu similaire à ceux de Gone Girl et A la merveille. Si Joe paraît terne et inexpressif au début du film, c’est parce qu’il a mis de côté tous ses états d’âme pour prendre à sa manière ce qu’il considère comme une part méritée.
En cela, Affleck a réussi à transposer toutes les nuances du personnage créé par Lehane, qui ne cesse de briser Coughlin avant son départ pour la Floride afin de le rendre encore plus âpre, sûr de lui et bien plus cruel. Alors que l’on pensait que Joe était un gangster de seconde zone transparent, il va s’étoffer dès lors qu’il quitte Boston pour rejoindre le sud dans le but de conquérir un nouveau terrain.
L’ombre de sa ville natale continue de planer tout au long de ce nouveau chapitre volontairement plus lent et beaucoup plus passionnant. La seconde moitié de l’œuvre permet de comprendre pourquoi la narration était si vive dans la première où l’on peinait à s’impliquer dans les enjeux émotionnels. Il faut attendre un deuil décisif pour entrevoir l’évolution de Joe, beaucoup plus humanisé et pourtant en proie à des décisions impossibles.
Est-il possible de devenir un homme de pouvoir sans être impitoyable ? C’est cette question que soulevait le roman et qui revient sans cesse dans le long métrage d’Affleck. Si le héros trouve l’apaisement dans les larges paysages paradisiaques de Floride, les ennemis s’accumulent alors que la disparition de la Prohibition approche et que le Ku Klux Klan s’intéresse à ses affaires. Joe récolte la violence qu’il sème tout en suivant sa volonté de s’affranchir des intérêts d’autrui.
Les dernières minutes de Live By Night résonnent de façon amère et pointent parfaitement le changement de Joe dans une période charnière des Etats Unis, révolue au moment de la conclusion. Il faut attendre le générique de fin pour se rendre compte de la maîtrise de Ben Affleck sur son œuvre ambitieuse.
Les échanges entre Joe et son père qui marquaient les différences générationnelles, les illusions provoquées par un premier amour, les prêches illuminés de la géniale Elle Fanning, les scènes d’action et de trahison orchestrées avec soin… Toutes ces thématiques et séquences de Live By Night que l’on voyait décousues finissent par faire corps. Elles aboutissent à un film de gangsters au charme indéniable, porté par un personnage inédit dans un genre cinématographique qui continue de s’enrichir.