Le prolifique Judd Apatow est revenu au petit écran après Girls, la série qui a révélé Lena Dunham au monde entier. Une nouvelle fois scénariste et producteur exécutif, Apatow a dévoilé Love en 2016 sur Netflix. Alors que la deuxième saison ne devrait pas tarder à arriver, la première s’est imposée comme une romance joliment maladroite aux digressions passionnantes.
A l’écriture aux côtés de Lesley Arfin et Paul Rust, l’auteur n’a rien perdu de son talent pour construire des récits en phase avec leur époque et emplis de rapports d’une belle justesse. Plus étoffée mais tout aussi sincère que l’incontournable Freaks & Geeks, Love est la comédie romantique la plus charmante que l’on ait vu récemment.
Le pilote est à l’image de l’ouverture de 40 ans, toujours puceau et En cloque, mode d’emploi. En quelques scènes, nous découvrons des protagonistes dans des périodes de leur vie où l’incertitude est plus présente que jamais. Là où Steve Carrell ratait la cuvette des toilettes et manquait de confiance au travail, Gillian Jacobs et Paul Rust sont paumés dans leur relation respective.
Mickey, interprétée par Gillian Jacobs, est perdue dans sa liaison avec un cocaïnomane bourru. Gus, joué par Paul Rust, se rend compte qu’il a été faussement trompé, seul moyen qu’a trouvé sa copine pour rompre. L’amour ne se trouve pas sans efforts. C’est l’idée que l’on retient à la fin du premier épisode et qui revient tout au long des neuf autres.
Avant même que Mickey et Gus ne se croisent, les promesses humoristiques s’enchaînent et l’on espère que leur rencontre ne provoquera pas de passages anodins. Cela n’arrivera pas grâce aux nombreuses parenthèses dans lesquelles Love nous emmène. Le programme est dicté par les incapacités et le besoin de communiquer des deux personnages principaux. Le point de départ de la série ne laisse absolument pas présager la spontanéité des épisodes suivants.
Avant leur premier échange dans un supermarché, lieu qui symbolise toute la difficulté à dialoguer de Mickey et Gus, on devine déjà leurs tourments. Ce talent pour rendre visible leur passé sans l’évoquer dans un script qui privilégie aussi bien l’évolution que l’importance des situations rappelle toute l’œuvre d’Apatow et sa bande. Le format fonctionne donc totalement pour le récit imprévisible mais toujours cohérent.
Love ne crée pas d’habitudes pour le spectateur qui n’a d’autre attente que de savoir comment Gus et Mickey vont se rapprocher. Aucun épisode n’est semblable au précédent, à l’inverse de nombreux programmes comiques qui proposent un schéma répétitif. On ne s’attend pas à découvrir avec autant de profondeur les studios de Hollywood où Gus travaille en tant que professeur pour les enfants stars. On retrouve sur ces lieux le ton tendre et acerbe de Funny People.
La série aborde également les malaises crées par des technologies qui dépassent leurs utilisateurs. L’épisode centré sur des échanges de SMS est savoureux grâce à sa mise en scène qui traduit habilement chaque quiproquo. Il est représentatif des obstacles que surmontent les deux personnages, à la fois singulier dans son sujet mais important dans la construction de leur histoire naissante.
La gravité des étapes que Mickey traverse avec un certain détachement s’accorde à merveille avec l’affirmation progressive mais tumultueuse de Gus dans sa vie professionnelle. Pour s’en sortir, Mickey et Gus n’ont d’autre choix que de se confronter et se conseiller. Leur apprentissage et l’indispensabilité grandissante de l’un pour l’autre font tout le charme de cette première saison réjouissante. La conclusion représente parfaitement le chemin parcouru mais ouvre surtout de nouvelles possibilités pour Gus et Mickey, auxquels on est complètement attachés.