Critique : Manglehorn – The Straight Story

Affiche de Manglehorn de David Gordon Green. Nous y voyons Al Pacino marchant dans un parc avec sa petite fille qui tient un ballon et une peluche.

Il était grand temps qu’Al Pacino revienne sur le devant de la scène avec un rôle comme celui de Manglehorn. Après nous avoir réconciliés avec Nicolas Cage dans Joe, David Gordon Green ressuscite le légendaire acteur du Parrain en lui confiant l’interprétation d’un misanthrope bourré de regrets et incapable de surmonter un vieux chagrin d’amour.

A travers ses différents rôles, Pacino a toujours donné envie au spectateur de connaître la trajectoire de ses personnages voire même d’imaginer leur futur ou leur passé. Enigmatique et refoulant sa colère, son jeu dans des œuvres comme Un après-midi de chien, L’épouvantail ou Serpico suffisait à nous intriguer. Capable de nous faire douter de leurs choix et leur nature, Pacino a su faire vivre ses personnages, les rendre indispensables et parfois même les transformer en symboles. La sacralisation de Tony Montana et Michael Corleone, deux des protagonistes les plus populaires et idolâtrés du septième art, suffit à démontrer l’impact de ses performances.

Le flou et le secret sont au cœur de Manglehorn. Si ce serrurier vieillissant se laisse parfois aller à quelques monologues, ce sont ceux qui l’entourent qui nous éclairent sur sa nature. Comme il l’avait fait dans Joe, David Gordon Green crée un personnage respecté mais renfermé, qui laisse uniquement entrevoir sa pensée lorsqu’il évoque un amour perdu ou lors d’une conversation sur la paternité avec son fils. Le reste du temps, Pacino se contient, amuse sa petite-fille et observe les gens sans jamais s’en rapprocher.

Photo d'Al Pacino dans Manglehorn. Assis sur un banc avec sa petite fille, l'acteur tient un ballon et échange une discussion complice avec sa petite fille.

Les errances du vieil homme filmées par David Gordon Green confèrent au film un rythme inégal, sans fil conducteur et ponctué de flottements qui caractérisent parfaitement la distance de Manglehorn face à son environnement. Lorsqu’il passe devant un spectaculaire accident de voiture, le serrurier reste impassible et lance des regards désabusés aux victimes en délire.

Ayant enfin abandonné les polars moisis dans lesquels il paradait (88 minutes, La loi et l’ordre), Pacino retrouve sa liberté d’expression et reste donc très sobre. En se dévoilant aussi peu, le comédien laisse le spectateur se faire une véritable opinion du personnage et l’on retrouve à travers sa part de mystère l’imprévisible vagabond que l’on avait découvert dans l’excellent Panique à Needle Park. Manglehorn est dans la continuité des interprétations de ses débuts et l’on ressort de la salle avec le sentiment que ses anciennes performances continuent de vivre. Si Manglehorn peine à se trouver et représente la preuve qu’il n’est jamais trop tard pour se découvrir, Pacino est à l’inverse resté fidèle à sa ligne de conduite tout en se réinventant avec les années. On a l’impression que la recette est toujours la même mais bizarrement, on ne s’en est jamais lassés.

Hommage assumé à sa tête d’affiche, Manglehorn n’aurait été qu’un film anodin s’il n’avait pas été porté par Pacino. La dernière scène dans laquelle David Gordon Green se permet une touche de magie représente à merveille le talent d’un comédien qui sait créer une véritable interaction avec le public sans avoir besoin d’être expressif.

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