Cinq jeunes voyageant dans un van prennent à bord de leur véhicule un étrange autostoppeur. Alors qu’elle aurait dû alerter nos héros, la présence de l’homme n’est que le point de départ d’une boucherie qu’ils ne verront pas venir.
La mise en garde du spécialiste du barbecue de la station essence, la première apparition de Leatherface, la vulnérabilité du personnage handicapé, la chorégraphie finale… 40 ans plus tard, les idées de l’indémodable Massacre à la tronçonneuse continuent de provoquer un malaise total.
Alors que l’on pensait que Tobe Hooper filmerait un massacre progressif, le cinéaste exécute ses victimes très rapidement afin de basculer dans la présentation de la famille la plus dégénérée du cinéma américain. Œuvre charnière qui a inspiré de nombreuses suites ou infâmes remakes, Massacre à la tronçonneuse est également une influence fondamentale pour de très bons cinéastes comme Rob Zombie ou Nicolas Winding Refn.
Le film est un cauchemar réaliste dans lequel les fantasmes des jeunes sur l’Amérique rurale sont bouleversés. Tourné en pleine période du Watergate, le long métrage joue sans cesse sur les apparences et les horreurs qu’elles sont susceptibles de masquer pendant un temps.
La maison vide dont les héros prennent possession sans permission s’avère être un lieu de perdition et d’horreur totale. A l’inverse du spectateur qui sent la menace planée grâce à l’atmosphère pesante installée par Hooper, les jeunes vont vers leur mort avec insouciance. A chaque instant, nous ressentons le décalage entre leur joie et la menace cachée par le paysage qu’ils refusent de voir.
Le spectateur n’a pas le temps de s’attacher et garde un regard neutre sur eux. Toute l’attention est portée sur le cadre, sur ces champs et cette maison blanche jusqu’à l’apparition du tueur à la tronçonneuse. Dans sa présentation du meurtrier, Massacre à la tronçonneuse se rapproche de Psychose et Halloween. Masqué, Leatherface n’est pas totalement responsable de ses actes et l’on apprendra par la suite qu’il est conditionné par une structure familiale compliquée. Cela confère à l’œuvre des séquences totalement absurdes.
Sa brutalité, ses gestes répétés et son instabilité mentale dévoilent un mimétisme et une logique semblables à celle d’un enfant. C’est en partie le cas de Norman Bates qui ne fait plus qu’un avec sa mère et de Michael Myers, qui semble avoir le même regard que la nuit où tout a commencé après 18 ans d’hôpital psychiatrique.
Lorsque la nuit tombe et qu’il ne reste que très peu de survivants, Hooper passe de la boucherie à la torture. Les protagonistes n’arrivent pas à faire avancer un fauteuil roulant sur les routes sinueuses, confondent les morts et les vivants et fixent un barbecue en train de rôtir alors que leurs amis viennent d’être décimés. Le film est d’une barbarie inouïe et le jeu constant sur les apparences et la réalité déroute le spectateur. Les actes sont énormes mais toujours plausibles et c’est ce qui rend le long métrage encore plus fascinant et dérangeant.
Leatherface devient alors le plus innocent des fous. Les personnages principaux ne sont plus ceux que l’on croit. En vivant les événements à travers le regard de la victime, nous sommes à même de contempler le plaisir des tortionnaires, leurs regards pervers et leur absence totale d’empathie face à un corps humain, qu’il soit vivant ou mort. Le final éblouissant ne libère que partiellement. Le public est perdu entre une danse de colère et des cris de joie mêlés à des pleurs qui rendent compte de l’invraisemblance de l’expérience pourtant bien réelle que l’on vient de vivre.
Massacre à la tronçonneuse prouve que l’idée peut transcender la technique. Tobe Hooper a su profiter de son manque de moyens pour installer une atmosphère répugnante. Les arrangements sonores, le bruit de la tronçonneuse et les divers craquements effraient autant que les images. Associés à la caméra portée et aux gros plans, ces éléments de mise en scène font de ce chef d’œuvre l’un des longs métrages les plus sauvages jamais réalisés.