Critique : Matrix – Les Experts

Affiche du film Matrix des Wachowski. Nous y voyons quatre des personnages principaux, armé, avec des lignes de code défilant derrière et Neo au premier plan.

Voilà maintenant quinze ans que les frères Wachowski ont fait évoluer le cinéma avec Matrix. Si Reloaded et Revolutions s’avéraient passionnants malgré quelques lourdeurs visuelles, le premier opus demeure quant à lui une œuvre irréprochable, qui trouve un parfait équilibre entre son message cyberpunk et ses scènes d’action qui n’ont pas été égalées depuis.

L’histoire de Matrix, nous la connaissons tous, du moins dans les grandes lignes. Néo, un hacker qui partage sa vie entre un job réglementé le jour et du piratage informatique la nuit, est contacté par des semblables qui l’invitent à découvrir le monde réel. En prenant la décision de les suivre, l’élu sera poursuivi par des agents voulant l’empêcher de faire découvrir la vérité à une population prisonnière d’un monde sclérosé et sous contrôle.

Si le premier visionnage de Matrix pouvait s’avérer fastidieux tant la mythologie créée par les Wachowski est riche, revoir le long métrage aujourd’hui constitue une expérience indispensable et savoureuse. Le film n’a pas pris une ride visuellement. Révolutionnaire en termes de gunfights et de combats, Matrix a engendré une mode dans le paysage hollywoodien à laquelle très peu de cinéastes ont su s’adapter. Dans ses scènes d’action, le film s’inspire, entre autres, des œuvres de John Woo et les chorégraphies sont dignes des meilleurs Wu Xia Pan. Aux Etats Unis, jamais des cinéastes n’avaient autant clamé leur amour pour cette culture cinématographique. Les seuls à avoir tenté l’expérience dans les années 90 sont les réalisateurs asiatiques voulant continuer leur carrière aux Etats Unis, à l’image de Ringo Lam. Mis à part quelques tentatives réussies (Volte/Face), les metteurs en scène se sont malheureusement cassés les dents sur le territoire américain (Risque Maximum).

En plus de revendiquer des influences sans les copier avec brio, les frères Wachowski ont repoussé les limites du cinéma d’action et sublimé des techniques encore peu utilisées. On pense évidemment à la scène du bullet time, qui reste sans doute la plus emblématique du premier opus. En termes de lisibilité, ces séquences sont irréprochables. A l’heure où le public est perpétuellement agressé par une abondance de plans inutiles et laids, on comprend que les Wachowski sont encore en avance. Ils ont d’ailleurs su le prouver par la suite avec Speed Racer et Cloud Atlas. Malgré sa complexité visuelle et scénaristique, Matrix ne perd jamais son spectateur, à l’inverse d’une œuvre comme Taken 2, qui n’était pourtant qu’un recyclage pur et dur du premier.

Photo de Carrie Anne Moss dans Matrix. Sur le toit d'un immeuble, Trinity pointe son arme à gauche de l'objectif.

Matrix sollicite l’intellect de son public en lui proposant un sujet profond et anticonformiste, qui s’accorde sans difficulté avec les centaines d’idées de mise en scène. Le film traite de questions universelles, que chaque individu est amené à se poser au cours de sa vie (Qui suis-je ? Quel est mon but ? Comment trouver ma place ?). A travers les yeux de Néo qui découvre comme nous cet univers, les Wachowski nous dévoilent une mythologie comme on a peu l’habitude d’en voir au cinéma. Ces dernières années, les seuls réalisateurs qui ont su aborder des mondes aussi complexes avec une telle fluidité sont Peter Jackson (Le seigneur des anneaux), James Cameron (Avatar) et Guillermo Del Toro (Hellboy 2, Pacific Rim). Avec le contraste Matrice/Monde réel, les Wachowski se servent de la science-fiction pour créer une ode à la liberté et une critique de l’enfermement sociétal auquel chaque être humain est confronté. Ils réussissent  à développer des personnages iconiques comme l’élu et sa chimère, l’Agent Smith. L’Oracle est le prophète et Morpheus un messager à la foi inébranlable. Jusque dans le choix du casting, les Wachowski auront fait un sans faute. L’apparente fragilité de Keanu Reeves, l’élocution de Laurence Fishburne (on se souvient de ses discours dans Boyz’n the hood) et le calme déconcertant d’Hugo Weaving en sont la preuve.

Cet univers inoubliable aura, en plus d’avoir révolutionné le septième art, marqué le paysage du transmédia avec le jeu Enter the Matrix et la série de mangas Animatrix. Matrix est une œuvre titanesque pensée par deux surdoués de l’image dont on attend impatiemment le retour avec Jupiter Ascending. Les premières images ont d’ailleurs laissé beaucoup de spectateurs sceptiques. Cela ne peut être que positif, c’était déjà le cas en 1999.

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