Michel Gondry est l’un des réalisateurs français les plus éclectiques, à l’aise dans le documentaire (Block Party), le drame sentimental (Eternal sunshine of the spotless mind) et même le film de super-héros (The Green Hornet). La créativité de cet auteur n’est plus à prouver et il est bon de le voir s’intéresser à un sujet personnel après l’ambitieuse adaptation de L’écume des jours.
Aussi intime que L’épine dans le cœur et dans la continuité de l’excellent de The we and the I, Microbe et Gasoil permet à Gondry de revenir à un cinéma plus léger mais tout aussi riche. A travers la rencontre de ces deux adolescents qui décident de tailler la route, nous retrouvons la sensibilité d’un auteur rempli de questions existentielles qu’il réussit à évoquer avec une simplicité déconcertante.
Se sentir différent mais vouloir être comme tout le monde, c’est le dilemme que traverse Microbe, un adolescent qui paraît bien jeune et que l’on a tendance à prendre pour une fille. Le paradoxe du héros renvoie directement à Gondry et son cinéma. Capable de réaliser un film de super-héros calibré, l’auteur y avait tout de même ajouté des touches burlesques et avait proposé une utilisation de la 3D inédite dans The Green Hornet, son œuvre la plus injustement critiquée. Cette sensibilité et cette envie de tout faire et découvrir se ressent parfaitement dans la personnalité de Microbe, un petit génie à qui il ne manque qu’une once de confiance en soi.
C’est là qu’intervient Gasoil, un bricoleur qui impressionne Microbe grâce à sa répartie. Bourrés d’imagination, les collégiens vont construire ensemble un engin pour échapper quelque temps à leur entourage envahissant. Comme dans Soyez sympas rembobinez, nous suivons le parcours de deux amis complémentaires dont les talents d’inventeurs artisans ne cessent d’épater. Tourné rapidement, avec une petite équipe, Microbe et Gasoil marque le retour de Gondry à un cinéma simple empli d’une véritable allégresse. S’ils ne font pas toujours face à des situations faciles, la force de conviction et le courage des héros permettent au long métrage d’aborder des sujets comme la séparation ou le rejet des autres avec légèreté.
On pensait que la naïveté de ces enfants qui se rêvent en adultes explorateurs allait donner le ton de tout le film. Mais comme dans The we and the I, Gondry nous déstabilise dans les dernières minutes en renversant les enjeux dramatiques. Etalé sur une période bien plus large que ce dernier, Microbe et Gasoil n’en demeure pas moins touchant lorsqu’il aborde l’aspect éphémère des souvenirs de jeunesse et l’obligation de grandir non pas lorsqu’on le souhaite mais quand aucun autre choix ne se profile. Michel Gondry ne perd en rien son côté mélancolique et cette singularité qui font de son travail des films d’un rêveur bien conscient de la réalité qui l’entoure et qu’il réussit à cerner avec finesse et justesse.
Entouré d’une Audrey Tautou qui s’accorde parfaitement à l’univers du cinéaste, les deux comédiens portent le long métrage avec un naturel étonnant. Les choses que l’on apprend sur Gondry dans Microbe et Gasoil ne sont finalement pas très surprenantes. On prend toujours un grand plaisir à retrouver sa technique mais les véritables découvertes restent Ange Dargent et Théophile Baquet. Les jeunes acteurs incarnent des personnages dont la lucidité et le recul épatent et s’opposent à l’image que véhicule Gondry. Conscient de ses propres contradictions, le réalisateur s’en amuse avec humilité et réussit toujours à en tirer une profondeur qui confère à ses œuvres plusieurs niveaux de lecture malgré le côté enfantin qu’elles dégagent.