Dire que les derniers films de Tim Burton étaient décevants serait un euphémisme. Hormis le sympathique Frankenweenie et sa conclusion réjouissante, la folie et l’humour burlesque de l’auteur ont disparu pour laisser place à un ton auto-parodique involontaire.
L’énigmatique ouverture de Miss Peregrine et les enfants particuliers s’impose comme une véritable surprise où l’on retrouve tout le mystère, les couleurs froides mais réconfortantes ainsi qu’une partition lancinante qui font la marque de fabrique du cinéaste.
Les vieilles photos qui entraînent le jeune héros dans sa quête ont une véritable importance dans le roman de Ransom Riggs. Elles sont introduites dans un générique intrigant puis expliquées à travers les histoires contées par le grand Terence Stamp à son petit-fils Jake, interprété par Asa Butterfeld (Hugo Cabret). Durant les quinze premières minutes, les récits magiques du grand-père contrastent avec les maisons uniformes du quartier résidentiel de Floride où vit l’adolescent. L’absence de complicité avec des parents incapables de rêver et les gros plans anxiogènes sur la famille rappellent des éléments qui faisaient toute la réussite d’Edward aux mains d’argent.
Sans cynisme, Tim Burton nous questionne sur la naïveté en tant que qualité, sur le besoin de croire et de partager des histoires pour trouver sa voie et l’on est bien loin du défouloir visuel dénué de charme d’Alice au Pays des Merveilles ou Dark Shadows. On attend avec impatience l’arrivée de cette fameuse Miss Peregrine après des séquences quelque peu inquiétantes et l’apparition furtive d’un Samuel L. Jackson démoniaque.
Lorsque Jake débarque sur l’île de Cairnholm au Pays de Galles pour comprendre l’incroyable parcours de son grand-père et vivre ses propres aventures, la magie peut enfin opérer pleinement. En découvrant le manoir, les splendides plages de l’île et les enfants stupéfiants, on frôle parfois l’onirisme de L’Orphelinat de J.A. Bayona. La balance entre deux époques permet de jouer habilement avec un cadre limité. Tim Burton renoue avec le stop motion à travers deux moments savoureux où l’on ressent tout son amour pour les films de monstres et les effets spéciaux de Ray Harryhausen (Jason et les Argonautes).
Après son impressionnante performance dans la série Penny Dreadful, Eva Green trouve un nouveau rôle à sa mesure. Protectrice et impénétrable, l’héroïne suscite un attachement immédiat mais son potentiel n’est malheureusement pas totalement exploité. Alors qu’on la voit remonter dans le temps avec ses enfants dans une scène éblouissante, elle disparaît par la suite pour les laisser prendre leur envol.
Si les venues burlesques de Samuel L. Jackson font toujours mouche, la dernière partie résume tous les travers de Tim Burton. Alors qu’il prône le fait de prendre des risques pour avancer plutôt que l’immobilité par sécurité, Tim Burton n’arrive justement pas à nous faire ressentir le danger dans lequel s’engagent les enfants. Miss Peregrine bascule dans l’aventure sage et extrêmement conventionnelle et les promesses du début de l’œuvre retombent à cause de cet essoufflement. Les créatures numériques viennent gâcher le plaisir, les batailles sont expédiées et la conclusion enlève tout le ton mélancolique et essentiel du début. Alors que l’on pensait que Tim Burton avait retrouvé un peu de son excentricité, il ouvre finalement une nouvelle saga anodine qui respecte la formule habituelle.