Critique : Moi, Daniel Blake – La loi du marché

Affiche de Moi, Daniel Blake sur laquelle le héros marche dans une petite allée, accompagnée d'une amie et ses deux enfants.

Après un infarctus, Daniel Blake est mis en arrêt de travail. Il se rend dans une agence d’emplois afin de pouvoir toucher une pension d’invalidité. Il démarre un processus administratif extrêmement compliqué alors qu’il a l’obligation de se ménager.

Deux ans après Jimmy’s Hall, Ken Loach continue de sublimer des actes désintéressés avec la prouesse de transmettre ses messages à travers une mise en scène bien moins simple qu’elle n’y paraît.

Le film s’ouvre sur un fond noir. Le spectateur entend Daniel passer un entretien avec une conseillère de l’agence d’emplois afin de savoir s’il est éligible aux indemnisations d’invalidité. Sans montrer le visage de son héros, Loach nous fait ressentir son impatience et son énervement qui prend le pas sur la volonté de rester poli face à un cynisme à peine déguisé.

Photo de Dave Johns et Hayley Squires lors d'un entretien à l'agence d'emplois dans le film Moi, Daniel Blake de Ken Loach. Ils sont assis à une table côte à côte et Johns parle à un autre personnage.

Ce procédé n’est pas nouveau et en rien original mais il appuie parfaitement les émotions de Daniel. Qu’il soit en train de construire des meubles, de chambrer chaleureusement un de ses voisins ou d’affronter les procédures auxquelles il fait face, le spectateur comprend en permanence ses réactions.

Un plan fixe peut prendre tout son sens lorsqu’il est seul chez lui tout comme un traveling peut retranscrire à merveille son envie d’intervenir avec bienveillance pour aider ses amis. L’apparente simplicité de la réalisation met en valeur la simplicité du personnage principal.

Le message de Ken Loach est clair dès la première scène. Comme à son habitude, le cinéaste préfère le faire passer en nous présentant un homme dont le quotidien, qui n’a en apparence rien de spectaculaire, est en réalité profondément rassurant. Grâce à Daniel Blake, Ken Loach apporte à son propos social une envie bouleversante de persévérance et de choisir l’entraide plutôt que la fatalité.

Photo de Dave Johns célébrant son tag avec un passant dans le film Moi, Daniel Blake de Ken Loach.

Le cadre est limité mais Loach sait capter la beauté et l’authenticité d’un immeuble en briques et des personnes qui y vivent. Les relations d’amitié qui grandissent au fil du film nous font souvent oublier les difficultés des protagonistes malgré leur omniprésence. Le but n’est pas seulement d’éveiller les consciences mais aussi de les apaiser avec un recul nécessaire.

A l’image de Daniel Blake, Ken Loach préfère prendre son temps pour trouver et proposer des solutions plutôt que de taper fort et à répétition avant de s’essouffler. Cela se ressent dans une œuvre qui a débuté il y a près de 50 ans et qui ne cesse de s’enrichir depuis. Ses protagonistes ont tous des points communs mais c’est leur singularité que l’on retient toujours.

Daniel Blake déteste la complaisance et fait preuve de bonté sans jamais s’en vanter. Son humour parfois féroce l’empêche d’être uniquement sympathique et lui donne un véritable charme. Il représente en cela l’un des plus beaux personnages de cinéma que l’on ait vu cette année, parfaitement interprété par l’humoriste Dave Johns qui nous offre, aidé par Ken Loach, une multitude de séquences mémorables.

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