Quand Juan voit Chiron se faire poursuivre par d’autres enfants dans les rues de Liberty City à Miami, il décide de le prendre sous son aile et de le protéger. A ses côtés, Chiron apprend le poids des décisions et leurs conséquences, qu’il affronte jusqu’à son passage à l’âge adulte.
Construit en trois actes, Moonlight présente Chiron à trois âges différents. Si le héros est peu bavard, l’impression de connaître l’adulte qui clôt le film est néanmoins totale grâce aux situations et conversations dépeintes dans le long métrage. Barry Jenkins se concentre sur des événements déterminants pour l’affirmation de Chiron qui surviennent à chaque fois durant de très courtes périodes. Le cinéaste se focalise d’emblée sur sa quête identitaire et évite ainsi tout passage superflu.
L’œuvre de Barry Jenkins prend dès sa première scène une direction à laquelle on ne s’attend pas. Alors que Chiron s’isole pour échapper au danger, sa rencontre avec Juan est immédiatement rassurante. La douceur de ce dernier marque une première rupture pour le spectateur alors en pleine course dans les rues de Liberty City aux côtés du jeune garçon.
Cette marque de bienveillance est la première d’une série qui provoque un véritable attachement au film, à la fois agréable dans les interactions qu’il révèle mais également dans son rythme lent, ses passages oniriques et sa bande originale. Tout comme dans Manchester by the sea, le choix d’une musique classique et aérienne contraste à merveille avec la nature renfermée du protagoniste. Les compositions renforcent la dimension romantique de Moonlight et la volonté du metteur en scène de ne jamais mettre de côté les émotions.
Alors que Chiron est extrêmement réservé et préfère se préserver pour faire face à ses différentes épreuves, la plupart des seconds rôles font preuve de bonté et n’ont aucunement peur d’exprimer leurs sentiments. Leurs conseils apportent une confiance et une positivité que Chiron a du mal à trouver.
En cela, Moonlight s’impose comme l’opposé de Precious, le drame de Lee Daniels où l’héroïne ne faisait que subir le comportement des autres. La douceur envoûtante des personnages est amplifiée par le voile bleu qui les entoure et ramène à la pièce In Moonlight Black Boys Blue de Tarell Alvin McCraney dont le long métrage est inspiré. Tout comme l’auteur, Barry Jenkins a grandi dans Liberty City et si la caméra est souvent centrée sur Chiron, l’environnement dans lequel il évolue n’est jamais négligé.
Cela se ressent par le choix des couleurs vives des bâtiments délabrés du quartier mais également à travers la facilité qu’a Barry Jenkins pour réaliser des séquences tournées dans les rues de Liberty City apparemment anodines mais essentielles au récit.
Les émotions qui viennent toucher Chiron que ce soit lors d’une bagarre, d’une déclaration d’amour ou d’une confrontation douloureuse avec sa mère, le spectateur les prend de plein fouet. Barry Jenkins accorde durant tout son film beaucoup d’importance au regard du héros. Qu’il soit interprété par Alex R. Hibbert, Ashton Sanders ou Trevante Rhodes, toute la vulnérabilité ou au contraire la force de Chiron passent par les yeux de ces excellents comédiens sur lesquels le réalisateur s’attarde longuement.
En observant Juan avec méfiance puis admiration, sa mère avec une tristesse désarmante et une ancienne connaissance avec amour et pudeur, Chiron dévoile en permanence ses pensées et sa fragilité. S’il nous immerge dans le quartier défavorisé de Miami, Barry Jenkins colle surtout à son protagoniste, hormis lors de quelques scènes magistrales dont une confrontation entre sa mère et Juan, son dealer de crack, qui s’efface dans un silence bouleversant dans l’un des plus forts passages de l’œuvre.
Tous les éléments gravitant autour de Chiron ont une importance capitale. Barry Jenkins les souligne avec subtilité, sans jamais restreindre les nombreux sentiments qui émanent de Moonlight. Au cœur de sa mise en scène riche se dresse Chiron, un personnage complexe et marquant que l’on quitte dans un fabuleux élan d’espoir.