Il est difficile aujourd’hui de trouver des westerns au cinéma. Des bons, c’est encore plus dur. Quelques cinéastes ont réussi à dépoussiérer le genre, en particulier Andrew Dominik et John Hillcoat avec L’assassinat de Jesse James et The Proposition, deux œuvres mélancoliques qui confirmaient que le genre est l’un des plus intéressants que le cinéma nous ait offert. Par ailleurs, quelques grandes figures américaines ont repris le flambeau d’Eastwood, qui nous faisait ses adieux avec le sublime Impitoyable. On pense notamment à Kevin Costner (Open Range), Ed Harris (Appaloosa) et Tommy Lee Jones (Trois Enterrements).
Ce dernier présentera d’ailleurs son nouveau long métrage, The Homesman, à Cannes. La bande-annonce rappelle étrangement True Grit, bijou de mise en scène des Coen qui réunissait trois personnages fascinants aux antipodes de tous les durs à cuire au Stetson que l’on aura croisé durant un siècle. Après la découverte de ce chef d’œuvre, nous avions retrouvé de l’espoir pour ce genre qui mérite beaucoup plus que l’oubli et l’indifférence. Heureusement, un certain Tarantino a réussi à réconcilier le public avec un western spaghetti qui abordait avec ironie une période sombre des Etats Unis et transformait un esclave en icône dont le nom est encore sur toutes les lèvres.
L’humour grinçant et le propos politique sont eux aussi présents dans My Sweet Pepper Land, nouveau long métrage d’Hiner Saleem (Les toits de Paris), réalisateur kurde qui a eu l’excellente idée de tourner son film dans son pays d’origine, cadre idéal pour un western.
My Sweet Pepper Land nous présente Baran, un ancien combattant pour l’indépendance envoyé dans un petit village pour faire régner l’ordre. Malgré l’apparente tranquillité de l’endroit, Baran se rend vite compte que sur ces terres règne le chef Aziz Aga, un mafieux qui terrorise le peuple avec sa bande.
Le scénario de My Sweet Pepper Land nous ramène au western classique américain, à La poursuite infernale, sommet de John Ford dans lequel Wyatt Earp débarque à Tombstone avec ses frères pour faire tomber Ike Clanton et son gang. Evidemment, les choses se compliquent lorsque Wyatt retrouve l’amour de sa vie, Clementine.
Ici, Clementine s’appelle Govend et est incarnée par la géniale Golshifteh Farahani (Le passé). Govend, institutrice du village, est la seule à résister aux intimidations d’Aga et c’est pour cette raison qu’elle va se rapprocher de Baran. Satire politique, western et romance, My sweet Pepper land est un mélange des genres parfaitement équilibré.
Lors de la présentation de la bande ennemie, Saleem se rapproche de Leone, de l’introduction du Bon, la brute et le truand et d’Il était une fois dans l’Ouest. Difficile de ne pas penser à Jack Elam et son regard compliqué et décontenancé face à une mouche lors de l’apparition de ce gang de brutes au regard vide. Lorsqu’il fait preuve d’une répartie à toute épreuve et d’une nonchalance inquiétante, on reconnaît un peu Clint Eastwood dans Korkmaz Arslan, dont on découvrira le passé à travers ses actes assurés et courageux.
Malheureusement, Saleem a préféré un final rapide et expéditif à la confrontation que l’on attendait. On ne sort en aucun cas déçu car la dernière scène dans laquelle Saleem assume entièrement la part romantique du film fonctionne totalement malgré son manque d’originalité.
Le western moderne, comme aurait pu le qualifier MC Solaar, est assurément l’une des solutions pour renouveler un genre qui a donné naissance à de nombreuses merveilles et représente tout un pan de la culture américaine. Les frères Coen, Tommy Lee Jones mais également John Hillcoat nous l’ont prouvé avec No country for old men, Trois enterrements et Des hommes sans loi. Hiner Saleem s’ajoute à cette liste avec My Sweet Pepper Land. Le cinéaste a l’excellente idée de transposer un récit familier dans un contexte géographique et historique complètement différents. A ranger aux côtés de La dernière piste et Blackthorn, les deux surprises majeures de ces dernières années.