Critique : Otages à Entebbe – Desperate Hours

Affiche d'Otages à Entebbe sur laquelle on voit les personnages incarnés par Daniel Brühl et Rosamund Pike, que l'on ne distingue pas clairement étant donné qu'ils sont dans l'obscurité, sous l'avion détourné.

En juin 1976, un vol Tel Aviv-Paris est détourné par des membres du FPLP (Front populaire de libération de la Palestine) et du Revolutionäre Zellen. Alors que les otages sont retenus à l’aéroport d’Entebbe, en Ouganda, le gouvernement israélien ordonne aux forces militaires de préparer une opération pour les libérer.

Après les interventions pour le moins musclées des deux volets de Tropa de Elite et la présentation d’un Detroit fasciste et ultra-sécuritaire du décevant RoboCop, le cinéaste brésilien José Padilha continue d’explorer l’utilisation des policiers et militaires à des fins géopolitiques. Le réalisateur revient cette fois-ci sur un épisode majeur du conflit israélo-palestinien à travers différents points de vue, faisant quasiment passer les forces militaires israéliennes à l’origine d’une opération qui secoua le monde entier au second plan.

Photo tirée du film Otages à Entebbe de José Padilha, sur laquelle Rosamund Pike et Daniel Brühl surveillent les otages retenus dans l'ancien terminal d'Entebbe.

La forme d’Otages à Entebbe paraît classique dans le sens où la narration est scindée entre les sept jours de la prise d’otages. Elle permet cependant au réalisateur de présenter de manière exhaustive la pluralité des enjeux politiques et humains. D’un côté, les membres du FPLP et les deux Allemands sont convaincus du bien-fondé du détournement censé servir une cause qu’ils jugent nobles. D’un autre, Idi Amin Dada, qui avait pris le pouvoir de l’Ouganda cinq ans plus tôt, voit une occasion de briller avec ce chapitre de l’Histoire. A mesure que les jours passent, le dictateur se rend cependant bien compte que le fait d’avoir accueilli les preneurs d’otages pourrait nuire à certaines de ses relations diplomatiques. Enfin, Padilha se penche également sur les différentes motivations du gouvernement israélien, au sein duquel certains souhaitent un accord de paix, à l’image du Premier ministre Yithzak Rabin, tandis que d’autres comme le ministre de la Défense Shimon Perez prônent une intervention rapide.

En plus de ces preneurs de décision qui se démarquent tous par leur refus de neutralité et par une volonté de tirer profit des faits, que ce soit pour servir leur cause ou pour marquer un geste politique fort, se dressent les personnes qui se retrouvent malgré elles impliquées dans l’événement, à savoir l’équipage Air France, les otages et un militaire des forces israéliennes. En multipliant les points de vue, José Padilha parvient à éviter toute prise de position et toute morale, essayant plutôt de dépeindre la confusion autour de l’événement, renforcée par une absence totale de dialogue entre les différents camps qui débouchera sur l’assaut final.

Photo tirée du film Otages à Entebbe sur laquelle on découvre les militaires israéliens en action lors du raid.

Malgré la complexité du sujet et l’envie de le décrire de façon objective et exhaustive, à aucun moment Otages à Entebbe ne perd son spectateur. Le réalisateur parvient même à faire naître l’émotion à travers des scènes de dialogues entre les otages et Brigitte Kuhlmann et Wilfried Böse, interprétés par les excellents Rosamund Pike et Daniel Brühl, deux révolutionnaires allemands qui se présentent comme des « humanitaires » et dont l’engagement et les idéaux sont dévoilés de façon efficace à travers de courts flashbacks. Elle est renforcée lorsque Kuhlmann et Böse voient le détournement leur échapper totalement au moment où les otages sont triés en fonction de leur religion et leur nationalité.

Au-delà de l’appropriation de la prise d’otages opérée par chacun des camps et des réponses politiques et militaires qui s’ensuivent, le spectateur retient surtout le chaos ambiant du long-métrage, ce qui rend l’absence de prise de position de Padilha totalement cohérente. La scène finale, qui alterne entre l’assaut brutal enchaînant les ralentis et un ballet de la Batsheva Dance Company sur la chanson traditionnelle Echad Mi Yodea, finit d’appuyer cette sensation de confusion et d’incohérence inhérente à la plupart des œuvres de José Padilha. Otages à Entebbe confirme donc que le réalisateur est à l’aise pour filmer le tumulte de manière radicale et faussement maladroite, rappelant ainsi une nouvelle fois que la diplomatie est un leurre qui peine à être dissimulé.

Otages à Entebbe est à (re)découvrir en DVD et Blu-Ray à partir du 25 septembre 2018.

Ce contenu a été publié dans Critiques. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.