La rencontre entre Peter Pan et Crochet aurait pu n’être qu’une idée pour les studios de relancer une franchise lucrative. Si les prequels et remakes actuels sont majoritairement douteux, on ne pouvait que s’intéresser à Pan, nouveau long métrage de Joe Wright. Sa version d’Anna Karenine éblouissait par sa force dramatique et sa volonté de concentrer son récit sur une scène de théâtre en perpétuelle transformation. Confier une ode à l’imagination telle que l’histoire de Peter Pan à un metteur en scène aussi créatif était une idée judicieuse de la part de Warner, qui cherche évidemment à établir une nouvelle saga familiale.
Les ambitions commerciales non dissimulées de Pan n’ont heureusement pas freiné le talent de Joe Wright. De l’ouverture sur le Londres des années 40 jusqu’à la découverte des Indiens, le film est traversé d’images sublimes et Wright a de multiples idées visuelles. Le spectateur assiste à une bataille en plein ciel entre des avions de chasse et un bateau volant avant de découvrir de nombreuses explosions de couleurs au Pays Imaginaire. Tout ne séduit pas, à l’image de ce final too much noyé sous la poussière de fées et manquant parfois de lisibilité, mais Wright va au bout de ses idées à l’instar de son prédécesseur Steven Spielberg avec Hook.
Comme dans un rêve, Wright s’offre des excès, frôle parfois le ridicule notamment lors de la séquence des sirènes mais assume toujours ses partis pris. Le réalisateur apporte à Pan de la fantaisie comme on en voit trop rarement à l’écran. Barbe Noire en fait des tonnes, les enfants travaillent à la mine en chantant Nirvana, le crocodile est immense et les nonnes ne sont que de vulgaires marâtres perfides.
Le principe de Pan réside dans cette volonté de ne pas grandir et de vivre ses aventures pleinement. Joe Wright cadre large, s’offre des folies visuelles. Il emmène son spectateur au cœur d’un univers joliment revisité et duquel chacun a ses propres souvenirs. Le réalisateur s’approprie des codes établis et respecte le message du roman. Jamais nous n’avons été éblouis devant le film comme c’était le cas par exemple devant L’odyssée de Pi, étant donné que le Pays Imaginaire a déjà été porté à l’écran. Les anciennes adaptations ont offert au public des repères. Au lieu de s’en détacher totalement, Wright préfère parfois leur rendre hommage et l’ombre de Spielberg à plusieurs reprises, notamment à travers le personnage de l’aventurier Crochet.
La déception de Pan vient plutôt du scénario. Si le personnage de Peter a le traitement qu’il mérite et possède quelques touches d’irrévérence, on regrette que la relation entre Lily la Tigresse et Crochet ne soit pas plus fouillée et que le long métrage ne s’écarte finalement pas des standards dans sa construction narrative. La prise de confiance de Peter est amenée naturellement à l’aide de seconds rôles sous-développés mais capitaux pour l’accomplissement du héros. En revanche, aucune surprise pour le spectateur, qui connaît le futur de cette histoire dont on découvre finalement peu de choses mais où l’on retrouve de nombreux éléments familiers.
Le scénario pêche par son manque d’originalité mais cette proposition d’un rêve éveillé surprend tant elle s’écarte des blockbusters actuels. Ici, rien ne compte à part l’imagination et l’optimisme. Si Pan n’a pas l’impact des mélodrames de Wright (Reviens moi), ce conte enfantin arrive au bon moment, réussit à se démarquer grâce à la vision d’un cinéaste à l’aise dans cet exercice et des comédiens en grande forme, à commencer par la révélation Levi Miller.