J’aurais aimé aimer Sabotage. De tout mon cœur. J’y ai d’ailleurs longtemps cru. En découvrant les premières séquences, j’étais ravi. En moins de trois minutes, j’avais déjà eu le droit à une blague de pet et une dizaine de morts. Attention, jusqu’à la fin, David Ayer n’y va pas de main morte. Le spécialiste des gangs de Los Angeles, le Bernard de La Villardière de Compton nous immerge dès la scène d’ouverture dans les tripes et les cervelets de dealeurs qui s’amusent à renifler de la cocaïne en écoutant le dernier tube de Daddy Yankee, le guigui coincé entre le marcel blanc et le Levi’s 501 taille 52.
Vous la vouliez votre plongée au cœur des quartiers chauds de L.A. ? Vous allez l’avoir. C’est la promesse de Sabotage, dont les scènes d’exposition se révèlent être les meilleurs passages du film. On y découvre une équipe soudée de la DEA spécialiste des opérations musclées menée par le grand Schwarzenegger qui, malgré sa bonne volonté, commence à être sérieusement fatigué.
C’est lorsque les enjeux dramatiques sont amenés que l’on commence à se demander quel type de long métrage est vraiment Sabotage. Apparemment, il semblerait qu’il y ait un traitre dans l’équipe. Le méchant aurait volé les 10 millions qu’il avait raflés avec ses coéquipiers. Au sein du commando, les membres sont victimes au fur et à mesure de meurtres inventifs et sanglants.
Ces invraisemblables tueries viennent contraster avec l’ambiance glauque et soi-disant réaliste de l’ouverture du film. A trop forcer sur l’hémoglobine, David Ayer n’arrive plus à rendre la moindre émotion et la moindre réaction des personnages crédibles. Au lieu de la descente en enfer tant attendue, nous n’avons droit qu’à une enquête banale, lente et balisée. David Ayer est perdu entre l’aspect documentaire avec lequel il nous avait déjà bernés dans End of Watch et la volonté de proposer une œuvre sans concession, ancrée dans un paysage qu’il connaît sur le bout des doigts et qui aurait pu parfaitement s’accorder avec l’attitude badass de Schwarzenegger et des seconds rôles.
On sent d’ailleurs que les comédiens sont à leur place, à commencer par Mireille Enos (The Killing), Sam Worthington (Avatar) et Olivia Williams (Sixième sens). Leur part de vice vient habilement contraster avec leur statut respectable. Pourtant, ils demeurent sous exploités et sont surtout ridiculisés par les pires dialogues entendus au cinéma depuis le début d’année. Les phrases courtes et cinglantes, ça marchait à l’époque de Tango & Cash et Last Action Hero. En 2014, dans un film qui ne laisse quasiment aucune place au second degré, ça ne fonctionne pas.
Le meilleur dans tout ça, c’est bien sûr la pathétique fin qui vient enterrer toutes nos attentes. Ayer nous assomme une première fois avec une révélation inutile et prétexte à une fusillade faussement originale. Il nous achève ensuite avec une conclusion qui détruit l’une des icônes du cinéma de genre. Schwarzy sort le chapeau de cow-boy, fronce les sourcils et si l’on comprend qu’Ayer a voulu rendre hommage à sa carrière et notamment à Terminator 2, c’est l’effet inverse qui se produit. Le comédien perd toute crédibilité. C’est dommage car il y avait malgré toutes ces incohérences et ce manque d’équilibre des séquences réussies, nerveuses et une ambiance très prenante. Le traitement des personnages sales et torturés, aux antipodes des Expendables toujours prêts à lâcher une vanne, est le plus gros gâchis de Sabotage. Ayer ne prend jamais le temps de les laisser évoluer et ne provoque donc jamais notre empathie. Ils avaient pourtant un énorme potentiel.
David Ayer, cinéaste prétentieux et surestimé à ses débuts, ne sait jamais sur quel pied danser entre série B et thriller glauque trop sérieux pour convaincre. Le résultat fait plus penser à D-Tox qu’à Seven ou Bad Times, dont la réussite était en grande partie due à la relation entre les personnages principaux et non à la volonté de choquer et d’impressionner. Ce sont ces deux éléments qui font que Sabotage est un échec. Dommage.