A peine débarqué en salles en France après son énorme carton aux Etats Unis, Sausage Party est le nouveau pari audacieux de Seth Rogen et ses compères qui continuent d’explorer la comédie sous toutes ses formes.
L’acteur et scénariste double ici Frank, une saucisse qui va remettre en question ses croyances et le sens de la vie. Dès la chanson d’ouverture qui parodie à merveille la bonne humeur et le monde aseptisé des productions Disney, l’humour graveleux est au rendez-vous. Ultra-référencé, Sausage Party s’attaque sans aucune retenue à la religion, la sexualité, la drogue, la politique, le conflit israélo-palestinien ou encore la mort. Lorsque le film est terminé, on se dit immédiatement qu’il faudrait le revoir tant les idées sont nombreuses et alignées sans temps mort.
Seth Rogen nous présente un supermarché dans lequel les produits n’ont pas conscience qu’ils vont être consommés et rêvent d’être acquis par les humains, leurs dieux, afin de rejoindre l’extérieur du magasin qu’ils considèrent comme l’au-delà. Les scénaristes taclent dans une première partie l’ignorance et la dévotion aveugle à travers des blagues qui fusent à un rythme effréné. Sausage Party ne peut être résumé à une scène d’orgie alimentaire totalement débridée ou au fait que le héros Frank ait envie de se fourrer dans Brenda, un pain à hot dog qu’il aime profondément.
Comme souvent chez la bande, nous retrouvons plusieurs niveaux de lecture et ressentons surtout leur plaisir communicatif à créer une rigolade dont les limites sont repoussées jusqu’au final méta qui ouvre sur une suite potentiellement plus barrée.
En introduisant des personnages humains stupides et en particulier celui doublé par son ami James Franco, Seth Rogen continue de jouer avec l’image de stoner beauf qu’on lui colle depuis le début de sa carrière et qu’il n’a cessé d’utiliser pour mieux surprendre le spectateur. Son détachement apparent lui permet de transmettre ses messages sans qu’ils ne soient moralisateurs ou forcés.
La remise en question salvatrice des idéaux, la libération et l’acceptation de soi perçus comme des blasphèmes par une tranche du public sont les thèmes centraux de Sausage Party. Ils ont rarement été dévoilés de façon aussi explicite dans une œuvre de l’écurie Apatow mais la surface grasse et jouissive du film l’empêche en permanence de tomber dans la naïveté. De long métrage en long métrage, Seth Rogen et sa bande font des tentatives osées et abordent plusieurs genres parfois avec maladresse (The Interview) mais souvent avec un dosage parfaitement équilibré (C’est la fin).
Sausage Party rejoint cette deuxième catégorie et l’on est également bluffés par la prestation technique, par les physiques des produits pensés dans les moindres détails et les contrastes de couleurs entre leur joyeux univers et celui lugubre des humains.
Les amateurs de la bande formée par Jonah Hill, Michael Cera, Paul Rudd, Kristen Wiig, Seth Rogen et bien d’autres se régaleront devant ce spectacle qui assume aussi bien sa vulgarité que les bons sentiments qu’il prône. Sausage Party s’impose sans difficulté comme l’une des œuvres les plus corrosives et réjouissantes de cette fin d’année.